De La Fille du puisatier, je ne connaissais que la version réalisée par Daniel Auteuil en 2011, très beau film d'ailleurs. Mais il était parfois plombé par l'approximation des acteurs à vouloir vainement tenter d'imiter l'accent marseillais, ce qui n'est pas le cas ici. Pour cette version originale, l'histoire est la même, à savoir une fille de puisatier qui tombe enceinte d'un homme venant d'une famille riche. Celui-ci part à la guerre et est porté disparu, la laissant seule avec ce futur bébé et sans qu'il en soit au courant de cette paternité. Mais tout est la position du père de la fille, l'immense Raimu, qui voit dans ce bébé l'arrivée d'un bâtard sans nom, un enfant né en-dehors des liens sacrés du mariage.
Il faut rappeler que le film est réalisé en 1940, au moment de l'Occupation, ce qui vaut une scène où on entend le discours de capitulation du Maréchal Pétain, faisant don de sa personne. Ce qui fait qu'il pourra sortir en salles à la fois en zone libre et occupée, avec un immense succès. On peut voir aussi dans ce discours, à ce moment-là, une métaphore sur la responsabilité, sur l'honneur, qui irriguent le film.
Mais on n'a pas besoin de ça pour apprécier La fille du puisatier, que je trouve très beau, parfois émouvant, porté par un Raimu encore une fois formidable, portant le rôle du pater familias, à travers l'éducation stricte qu'il donne à ses six filles, et dont la faute commise par l'ainée, Josette Day, est non seulement vécue comme un déshonneur, mais aussi une humiliation. Il faut remettre (comme toujours) une histoire dans le contexte de l'époque, avec ses valeurs qui nous semblent dépassées aujourd'hui, le rôle social de la femme étant réduit à tenir la maison et honorer son mari. Mais malgré tout, je vois encore cette humanité si chère à Marcel Pagnol, où on entendrait presque les cigales chanter. C'est aussi dû au reste des acteurs, aussi bien Fernandel, l'assistant de Raimu, que je trouve d'une grande bonté, que Raymond Charpin, le père de Georges Grey (celui qui a mis Jacqueline Day enceinte et est parti à la guerre).
Au fond, je ne regrette qu'une chose ; c'est la dernière minute qui donne un côté positif à l'histoire, donnant une fin correcte à tout le monde, y compris Fernandel, dont la situation est réglée en quelques secondes. Après tout, on ne peut pas toujours réussir ses films comme la trilogie marseillaise, Angèle ou Regain, mais La fille du puisatier est vraiment formidable, du Marcel Pagnol comme je l'aime.