De la même manière qu'il pimentait plus que de raison les ressorts dramatiques de La belle équipe, Julien Duvivier rappelle qu'il a la main lourde quand il s'agit de faire crouler sous le poids des larmes les paupières de son audience. L'intention est compréhensible, marquer les esprits en évitant le consensuel, mais une fois encore, l'âpreté du final tombe comme un cheveu sur la soupe. Difficile, alors, d'y adhérer complètement, et c'est bien dommage, parce qu'en soi, il est empreint d'une belle émotion.
Ne serait-ce parce qu'il clôt un portrait touchant, celui d'une famille de grandes gueules entraînées à torturer le verbe en toute circonstance. Un bal d'acteurs, passés maîtres dans l'art de faire vivre des dialogue délicieux, qui font de La fin du jour un film à part, une séance particulière dont on se souvient sans doute. Quand ce n'est pas Michel Simon qui lâche sauvagement la pleine expression de ses puissantes cordes vocales et son élocution si singulière, c'est Louis Jouvet qui avale le cadre en faux Don Juan insouciant dont la complexité ne se révèle que dans les dernières minutes.
Autour des deux lascars, les autres personnages n'existent, par contre, que très peu. Trop nombreux, sans réel temps d'antenne, alors qu'ils sont nécessaires à la pleine expression des deux protagonistes, on ne les considère pas vraiment. Pire, on les subit pour certains : quid de la jeune Jeanette, caractérisée sans finesse, un personnage pourtant important auquel il est difficile d'accorder du crédit.
Rien de dommageable cependant, c'est le cœur mi-lourd, mi-léger que l'on finit la séance. La fin du jour est un film habité, qui parvient à divertir puis émouvoir dans le même temps, dirigé par un metteur en scène qui connaît son affaire et porté par deux grands tempéraments – même s'il y a fort à parier que les détracteurs de Michel Simon risquent de grincer des dents- . Dommage qu'au moment de lier tout ça, Julien Duvivier se laisse aller aux ellipses et à la facilité, dans la dernière demi-heure notamment, qui donne l'impression d'être un peu trop vite expédiée, alors que les autres actes ont été considérablement, et sans doute un peu trop longuement, explorés.