De la même manière qu'il pimentait plus que de raison les ressorts dramatiques de La belle équipe, Julien Duvivier rappelle qu'il a la main lourde quand il s'agit de faire crouler sous le poids des larmes les paupières de son audience. L'intention est compréhensible, marquer les esprits en évitant le consensuel, mais une fois encore, l'âpreté du final tombe comme un cheveu sur la soupe. Difficile, alors, d'y adhérer complètement, et c'est bien dommage, parce qu'en soi, il est empreint d'une belle émotion.


Ne serait-ce parce qu'il clôt un portrait touchant, celui d'une famille de grandes gueules entraînées à torturer le verbe en toute circonstance. Un bal d'acteurs, passés maîtres dans l'art de faire vivre des dialogue délicieux, qui font de La fin du jour un film à part, une séance particulière dont on se souvient sans doute. Quand ce n'est pas Michel Simon qui lâche sauvagement la pleine expression de ses puissantes cordes vocales et son élocution si singulière, c'est Louis Jouvet qui avale le cadre en faux Don Juan insouciant dont la complexité ne se révèle que dans les dernières minutes.


Autour des deux lascars, les autres personnages n'existent, par contre, que très peu. Trop nombreux, sans réel temps d'antenne, alors qu'ils sont nécessaires à la pleine expression des deux protagonistes, on ne les considère pas vraiment. Pire, on les subit pour certains : quid de la jeune Jeanette, caractérisée sans finesse, un personnage pourtant important auquel il est difficile d'accorder du crédit.


Rien de dommageable cependant, c'est le cœur mi-lourd, mi-léger que l'on finit la séance. La fin du jour est un film habité, qui parvient à divertir puis émouvoir dans le même temps, dirigé par un metteur en scène qui connaît son affaire et porté par deux grands tempéraments – même s'il y a fort à parier que les détracteurs de Michel Simon risquent de grincer des dents- . Dommage qu'au moment de lier tout ça, Julien Duvivier se laisse aller aux ellipses et à la facilité, dans la dernière demi-heure notamment, qui donne l'impression d'être un peu trop vite expédiée, alors que les autres actes ont été considérablement, et sans doute un peu trop longuement, explorés.

oso
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste L'ours, Homo Video, en 2017

Créée

le 14 juil. 2017

Critique lue 402 fois

6 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 402 fois

6

D'autres avis sur La Fin du jour

La Fin du jour
Torpenn
8

Le cabotin au teint éteint

Je me suis toujours demandé ce que devenaient les comédiens à l’âge de la retraite, vous savez, ceux qui ne meurent pas sur scène comme il se doit, est-ce qu’ils sentent à un moment l’instinct...

le 12 mars 2014

22 j'aime

2

La Fin du jour
Ugly
7

Un chef d'oeuvre de cynisme

N'ayons pas peur des mots : ce film est sans conteste le chef d'oeuvre de Duvivier, malgré de grands films comme Pépé le Moko, la Belle équipe, Un carnet de bal ou Marie-Octobre... et pourtant il...

Par

le 11 juil. 2018

11 j'aime

2

La Fin du jour
-Marc-
8

Les trompe-la-mort

Dans une maison de retraite de vieux acteurs rêvent, jouent dans la vie comme sur scène. Jouer encore, toujours, vite, avant que la faucheuse ne vous rattrape. Jouer jusqu'à la folie, par-delà la...

le 18 oct. 2016

11 j'aime

2

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8