Le renom de la rose
Pour un cinéaste, engager Catherine Frot, c'est s'attirer presque à coup sûr le capital sympathie du (grand) public mais c'est aussi, si l'on n'y prend grade, la conforter dans une image de râleuse...
le 29 août 2020
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Deux hommes et une jeune fille en réinsertion sont placés bon gré mal gré, et sans que la patronne en ait été préalablement informée, dans une entreprise horticole spécialisée dans les roses mais en perte de vitesse sur le plan créatif et donc économique. Greffe hasardeuse, a priori, et qui pouvait sembler vouée à l’échec mais qui, tout autant que les hybridations sauvages - plutôt que savamment et dangereusement orchestrées… - injectera une sève neuve et parviendra peut-être à sauver l’entreprise au bord du dépôt de bilan.
Comme une fleur fièrement portée par sa haute tige, le film repose sur la prestation très engagée des différents acteurs, qui semblent avoir eu à cœur de donner le maximum de profondeur possible à ce scénario emporté par un élan positif de reconstruction, à l’image d’Eve Vernet qui, sauf accès de découragement très passager, ne renonce jamais. Catherine Frot est parfaite, en responsable d’entreprise naturellement autoritaire et en héritière soucieuse d’honorer la mémoire paternelle. Plus « fille de » que mère, elle découvrira toutefois la tendresse et la transmission auprès des trois apprentis involontaires qui sont placés entre ses mains. Fred se détache du trio. Manel Foulgoc - alias Melan Omerta, selon le nom de scène qu’il s’est choisi en tant que rappeur - donne toute sa force et sa complexité au personnage, campant une jeune petite frappe d’abord caricaturalement réticente, qui consent peu à peu à s’ouvrir à un monde radicalement autre, notamment lorsque plusieurs de ses différents « talents » se voient enfin reconnus et exploités, pour le pire comme pour, finalement, le meilleur… À ses côtés, on retrouve avec plaisir la belle sensibilité de Fatsah Bouyahmed, déjà vivement apprécié dans le rôle principal de « La Vache » (2016), de Mohamed Hamidi, et l’on découvre, dans un personnage de composition plus effacé et plus monocorde, moins fouillé, Marie Petiot. Olivia Côte, en assistante vigilante et dévouée, semble s’amuser à exploiter les facettes d’une figure à contre-emploi, bien éloignée de la femme décomplexée et lucide qu’elle interprétait avec une énergie convaincante dans le jubilatoire « Antoinette dans les Cévennes » (2020), de Caroline Vignal. Enfin Vincent Dedienne, en concurrent fortuné et cynique, navigue avec aisance entre amabilité enjôleuse et infatuation odieuse.
Les thèmes très humanistes de la transmission, de la formation, de la fidélité, de l’héritage, du sauvetage, du détachement et de l’attachement côtoient ainsi un aspect presque documentaire portant sur la création de roses nouvelles par le biais de l’hybridation, et la très belle photographie de Guillaume Deffontaines achève de transporter le spectateur dans un monde où domine la quête de la beauté et de la satisfaction de tous les sens esthétiques. Et l’on sait gré au réalisateur et co-scénariste Pierre Pinaud, qui signe ici son deuxième long-métrage, de tant aimer les fleurs depuis son enfance, grâce à l’intercession d’un grand-père joliment pollinisateur, et de nous avoir entraînés dans une bulle hors-sol qui ne tourne toutefois pas radicalement le dos aux réalités sociales d’un pays.
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le 21 juil. 2021
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