Cette première partie inclut deux "épisodes" qui sont deux récits totalement indépendants. Le premier est un film d'horreur assez amusant, du type "Vengeance de la momie", fait de cadres travaillés et d'hors-champs sonores inquiétants. La seconde est une sorte de mélange improbable entre un mélodrame de Almodovar et un thriller Hitchcockien, non pas que Almodovar ne s'aventure jamais dans le second genre mais plutôt que Llinás joue justement la carte des teintes immiscibles. Un des grands ressorts comique de cette deuxième partie étant justement la justaposition de ces deux tons qui ne se lieront jamais. Il est impressionnant de voir que pendant plus de 3h, l'originalité et la maîtrise de Llinás (je pense notamment aux fins d'épisodes qui tombent extrêmement bien) nous garde concentré sur l'oeuvre.
Vous noterez que "concentré sur l'oeuvre" n'est pas une très belle formule mais j'ai eu du mal à trouver l'expression juste car il faut bien dire qu'on n'est pas non plus "scotché" ou "emporté" : la dernière heure, pour moi comme pour les gens autour de moi dans la salle fut difficile, non pas à cause de faiblesses du film mais du format : selon moi, seul un dieu de l'épique et du romanesque comme Michael Cimino peut tenir un public plus de 3h dans une salle sans altérer son plaisir.
Bien qu'ayant adoré l'introduction de quelques minutes par le réalisateur lui-même, sorte de communiqué de presse filmique au didactisme ludique, je dois avouer que je suis assez sceptique vis-à-vis du format que prend la Flor : on parle d'ampleur et d'approche globalisante sur le cinéma, mais cela aurait aussi été possible via plusieurs oeuvres sur la même période de réalisation (10 ans), et le spectateur cinéphile aurait reçut les oeuvres assez similairement, parce qu'il voit très certainement les films avec une perspective autoriste. La plus-value d'avoir le tout servi en une fois (mais non, même pas, 4 fois, avec des épisodes à cheval entre les différentes parties), cette plus-value, compense-t'elle vraiment la pénibilité du visionnage de films de 3h30, qui impose une logistique laborieuse aux salles et aux spectateurs, obligés de regarder les parties 2, 3 et 4 dans l'ordre ? Le réalisateur n'essayerait-il pas (avec succès visiblement) de jouer avec la tendance élitiste des spectateurs, du type : "moi, je peux tenir 3h30 dans une salle de ciné à une époque où la masse ne regarde plus que du caca par tranche de 40mn sur Netflix et je fais l'effort de construire mon agenda autour de ce film (qui passe sous la forme de week-ends marathon en province)" ?
De plus, autant le second épisode formerait un excellent film s'il sortait tout seul au cinéma, autant le premier semblerait, malgré ses qualités, absolument anecdotique.
A lire ma critique, on pourrait penser que je n'ai finalement pas beaucoup apprécié le film,
c'est faux : j'ai aimé les qualités que la plupart des critiques attribuent au(x) film(s) SAUF le format et c'est donc sur ce dernier point que mon développement s'est concentré. Format consubstantiel à l'oeuvre ? Je ne pense pas.
Digression :
J'y repense, à propos de la perspective autoriste rendant certaines "performances" peu utiles, j'avais été aussi sceptique à la sortie de "Boyhood" de Richard Linklater, qui se proposait de faire en un seul film et ce que Truffault avait fait avec Jean-Pierre Léaud en 5 films bien plus intéressants.