Initiation au lavis animé.
Les Studios d'art de Shanghai et Gebeka Films nous offrent ce qui est probablement l'un des objets les plus rares que vous aurez l'occasion de voir en salles. Le Grelot du faon (1982) et La Flûte du bouvier (1963), deux chefs d'oeuvre de l'animation chinoise, sont réunis ici pour créer La Flûte et le Grelot, un spectacle unique qu'il serait dommage de louper.
Le premier film, Le Grelot du faon, raconte l'histoire d'un faon blessé, perdu, et qui sera recueilli par une petite fille, avec laquelle il partagera sa vie et ses jeux jusqu'au jour où, ayant grandi, il devra la quitter pour retourner à la vie sauvage.
Le second film, La Flûte du bouvier, raconte l'histoire d'un enfant, qui, juché sur son buffle, joue de la flûte. Il s'endort, et rêve que son buffle s'est échappé. Parti à sa recherche, il traverse montagnes et vallées. Lorsqu'il retrouve son ami, sa joie est si grande qu'il se réveille. Saisissant alors sa flûte, il reprend le morceau de musique interrompu.
Pour être précis, ces deux films d'animation ne sont pas des « dessins animés », mais ce que l'on appelle des « lavis animés ». Peints comme des toiles dont l'encre doit imprégner le papier, il est impossible d'avoir recours à des cellulos, et oblige donc à redessiner complètement chaque images; je vous laisse imaginer la masse de travail. C'est cette technique particulière qui rend ces oeuvres uniques, nous donnant littéralement l'impression d'avoir des fresques s'animant sous nos yeux. Malgré ces contraintes, tout est vivant, que ça soit les chutes d'eau, les reflets, les ombres, les plans où dansent de multitudes d'oiseaux ou de feuilles, et bien-sûr les personnages principaux, dont l'animation est parfaitement décomposée et d'une fluidité impressionnante, surtout pour l'époque.
Bien-entendu les deux métrages sont muets, mais sont cependant soutenus par des musiques traditionnelles, envoutantes, dépaysantes, et nous faisant nous noyer encore un peu plus dans cet océan de magie bien trop rare dans nos contrées.
Simples dans leurs histoires, format muet oblige, les oeuvres n'en restent pas moins poignantes, toutes deux sur l'amitié d'un enfant envers un animal, métaphores poétiques de bon nombre de relations complexes.
Bref, La Flûte et le Grelot est la meilleure oeuvre d'animation sortie en salles depuis le début de l'année (et depuis bien — trop — longtemps). Mêlant lyrisme et poésie, délicatesse et beauté, ce voyage géographique et temporel ne laissera personne insensible, que ça soit les plus jeunes comme les moins jeunes. Une excellente occasion de sensibiliser le public à une esthétique différente de celle qui nous est proposée habituellement en salles.
Pour conclure, que vous soyez amoureux ou non de la culture Chinoise, que ça soit visuellement ou musicalement, vous ne pourrez pas rester insensible à ces deux fables, tant leur beauté réussie à atteindre aussi bien le coeur que l'âme. Un conseil, foncez, et si vous avez des enfants, emmenez-les, il serait dommage qu'ils passent à côté de cette découverte d'une nouvelle vision artistique.
Mention spéciale pour les quatre génies à l'origine de ces oeuvres, Tang Cheng, Wu Qiang, Qian Jiajun et le regretté Te Wei, décédé l'année dernière à l'âge de 94 ans.