Avant son premier long métrage, Pas de repos pour les braves (dont je parle à côté) et avant même ses deux sublimes moyens métrages, Du soleil pour les gueux et Ce vieux rêve qui bouge, tous deux sorti en 2001, les années 90 marquent la naissance artistique de Guiraudie avec trois courts métrages étonnants. La force des choses est l’un d’eux et constitue le trait d’union qui me manquait pour comprendre la brutale évolution du cinéma guiraudien, à savoir qu’il était délicat de faire le lien entre Tout droit jusqu’au matin et Du soleil pour les gueux. A première vue, bien entendu. D’un côté il y a la nuit, la ville, la voix off, la course-poursuite entre deux hommes à travers les ruelles, un discours politique, de l’autre un soleil de plomb, le causse, des dialogues débridés avec un nouveau vocabulaire, une course entre bandits, bergers et guerriers dans un jeu de cache-cache aux relents de conte humoristique. Justement, La force des choses installe cet imaginaire fait de bergers d’Ounaye courant après des bandits enlevant des femmes en échange de krobans, monnaie locale. On s’y livre des combats à l’épée, on arbore des costumes impossibles et on s’enfonce dans les profondeurs d’une forêt mystérieuse. Et surtout, on s’échange des pensées, où l’on évoque ses désirs, entre hommes essentiellement. Situations qui seront clairement reprises dans Voici venu le temps (Qui pourtant déjà marquait l’essoufflement du système guiraudien en rappelant Du soleil pour les gueux en moins bien) dont La force des choses pourrait en constituer l’appendice ou la base de lancement. Trois courts, donc, celui-ci étant le dernier, que l’on peut rattacher tout en les distinguant aisément, trois curiosités, prometteuses et insolites, qui permettent d’entrevoir ce qui anime l’esprit libre du cinéaste aujourd’hui encore et qui a même, au regard de son dernier film, a retrouvé depuis Le roi de l’évasion, toute la fougue, le bonheur, la promesse qui irriguaient ses deux chefs d’œuvre courts éclos en tout début de siècle.