Treize ans après Délivrance (1972) où des citadins se transformaient en sinistres sauvages, John Boorman prend le parti de la Nature. The Emerald Forest commence par la disparition du fils d'un ingénieur états-unien (Bill par Powers Boothe), présent en Amérique latine pour la construction d'un barrage hydraulique. Au terme de dix ans de recherches, il retrouve son fils, vivant et membre d'une tribu (les 'Invisibles') au cœur de la forêt amazonienne. Bill souhaite ramener Tommy dans son milieu d'origine, mais celui-ci connaît déjà sa famille. Et il y a plus urgent : les 'Féroces', tribu ennemie des 'Invisibles', leur ont déclaré la guerre en faisant une razzia sur leurs femmes et en cherchant l'appui des Blancs pour les anéantir.


Avec cet opus, Boorman qui entretenait déjà un rapport original avec les grands espaces verts, comme en attestait le 'nanar' culte Zardoz, entre définitivement dans la catégorie des cinéastes écolos. The Emerald Forest se veut un lanceur d'alerte, en pointant la menace pesant sur l'Amazonie. Il dénonce explicitement la cupidité et l'inconséquence des occidentaux, avec ses prédateurs industriels et ses bourgeois euphoriques ; consuméristes visionnaires ou citoyens débiles. La subtilité n'est globalement pas au rendez-vous et le message ne fait pas exception. Les personnages sont fadasses (les riches oisifs surtout, les indiens dans une moindre mesure), la présence de Meg Foster (la collabo froide dans Invasion Los Angeles) reflétant la préférence pour une humanité allégée.


La dimension anthropologique présente quelques défauts de réalisme elle aussi, la faute à un enrobage glamour. À défaut de profondeur le film pose en tout cas de grands constats, émet l'idée de ressources 'finies' et donc d'une Terre dont la modernité commencerait à toucher les limites. Il verse dans le fantasme post-moderne du retour à une Nature bienveillante et à des formes de vie apparemment primitives, en fait garantes d'une spiritualité incorruptible. La forêt d'émeraude apparaît rétrospectivement comme une mise en images précoce des idéaux altermondialistes (en 1985, ce mouvement éclot tout juste). C'est d'ailleurs la fonction la plus remarquable du film : comme l'ensemble des créations de Boorman, celle-ci brille par sa splendeur visuelle. Ces prises de vues idylliques sont le résultat de mois passés à arpenter l'Amazonie.


Enfin Boorman donne une illustration du mythe rousseauiste et propose une alternative au western traditionnel (le scénario renvoie à des constantes du genre, en particulier à l'emblématique La prisonnière du désert). Danse avec les loups ira dans ce sens avec plus de maturité cinq ans après. Le cinéaste se montre plus optimiste (sur les Hommes) que d'habitude, peut-être car il s'agit d'une histoire de famille au-delà du scénario : l'interprète de Tommy est le fils du réalisateur (Peter Boorman), ce qui a d'ailleurs provoqué la rupture de Boorman et Rospo Pallenberg, son plus proche collaborateur. Il l'avait déjà assisté pour le scénario de L'Exorciste 2, d'Excalibur et de Délivrance. Pallenberg fera un passage derrière la caméra avec Cutting Class, film méprisé mais légèrement tiré des oubliettes car appartenant à la préhistoire de la carrière de Brad Pitt.


https://zogarok.wordpress.com/2015/12/12/la-foret-demeraude/

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le 12 déc. 2015

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