La Roumanie est un pays qui m'est encore assez obscur puisque mon approche de son cinéma s'est limité aux grandes figures contemporaines qui sont Cristi Puiu et Cristian Mungiu. Mais bon, je ne peux pas m'empêcher de creuser au point de débouler sur la terre très fertile des vieux films oubliés. Enfin, je le tenais le fameux "film roumain de 3h des années 60 en noir et blanc". Le cliché ambulant que l'on a tous déjà lu 1000 fois pour désigner les hipsters qui crachent sur absolument tout ce qui est un minimum connu. Dans la pratique, si ces énergumènes existent en petit nombre, il est vrai, c'est surtout l'argument simplet des ignorants. Et comme je l'ai toujours dit, "quand on ne sait pas, on se tait", donc je suis allé me confronter à cette belle bête que j'aurais regardé il y a quelques années d'un oeil dubitatif, encore tristement gavé au soft-power américain.


"La Forêt des Pendus", c'est d'abord un titre qui a le mérite d'attirer votre attention à la simple entente. Pour les rares perchés dans notre genre, il semblerait qu'il traîne derrière lui une solide réputation de grand film anonyme. Ca rassure d'emblée. Secundo, Liviu Ciulei tient à offrir bien plus qu'une simple oeuvre de guerre. Sont mis de côté les grands actes héroïques et les explosions au profit de questionnements internes. Car le soldat n'est pas une simple machine qui appuie bêtement sur la détente comme un chien de Pavlov mais bien un être humain doté de conscience et de sentiments. Ca peut sembler con dit comme ça mais il s'agit de le rappeler quand on voit la bassesse intellectuelle de certains récits de guerre portés aux nus pour rien.


Ainsi, l'histoire démarre très bien en filmant ces contrées désertiques où la seule chose se hissant en hauteur est une potence. Gageons de souligner que la première Guerre Mondiale s'est tristement illustrée également comme la guerre des morts inutiles vu que les généraux aussi demeurés qu'un dé à coudre fusillaient pour un oui ou un non. Ainsi, la désertion était synonyme de pendaison. Apostol, fière bidasse dévoué à la grande cause militaire, en assistant à l'exécution suivi du raisonnement primaire de ceux qui ont édicté ce triste spectacle, va commencer à être en proie aux doutes sur la raison de sa mission. Je n'ai pas pu m'empêcher sur ce point de penser au très bon "Cendres et Diamant" de Andrzej Wajda où il était aussi question de la quête de rédemption d'un produit collabo du système. Le fait que "La Forêt des Pendus" oblique sur ce chemin m'a davantage mis en confiance.


Ciulei aime les métaphores car de toute évidence, il y a comme un tabou dans le coeur des hommes sur la notion même de la peine de mort. Sur quelle base juridique logique condamner un type à rencontrer la Grande Faucheuse ? "Il était coupable" est une rhétorique qui reviendra souvent sans que des raisonnements clairs n'y soient apportés. Il n'y a pas de conclusion à ce pathétique acte théâtral qui ne nous est démontré et il n'y en aura jamais. Autre point de grande importance, l'obsession des soldats roumains pour la lumière des projecteurs. Les tentatives pour les détruire se font mais toujours un nouvel appareil se rallume. On peut sans difficulté y voir la volonté des militaires de cacher leurs exactions. Il ne faudrait surtout pas que l'éclairage mette en lumière leurs travers. Et pourtant, face à eux se trouve la France qui n'a pas eu son pareil en terme d'atrocités (même si l'histoire de niveau manuel scolaire de primaire nous apprendra qu'ils furent les gentils).


Alors pourquoi une note de 6 étoiles qui trahit plus la déception que l'extatisme me direz-vous ? A cette question, je répondrai que j'en attendais sans doute trop ou tout du moins autant que "Cendres et Diamant" qui m'avait foutu une belle claque que ne parvient pas à réitérer Ciulei. Je pensais qu'il pourrait rivaliser voire même le supplanter mais rien n'y a fait. En fait, j'ai trouvé que pour un film de cette envergure, il y avait trop peu de moments forts au profit d'une certaine répétitivité de séquences où ça se montre parfois fort bavard alors qu'un silence vaut parfois mieux que de longs discours. Il est évident que "La Forêt des Pendus" se trouvera des admirateurs mais pour ma part, je resterai pondéré.

MisterLynch
6
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le 25 mars 2022

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MisterLynch

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