La Forêt interdite par Alligator
A la fin du film, j'étais dans l'expectative. WTF? Quelle étrange (et pour moi incompréhensible) relation entre Murdock (Christopher Plummer) et Cottonmouth (Burl Ives)!
Mais s'il ne s'agissait que de cela, il aurait pu en découler un film mystérieux, jouant des troubles entre les personnages, de leurs ambitions cachées, mais rien n'est vraiment évident à la lecture de cette histoire, rien n'est suffisamment clair pour qu'on puisse s'y laisser couler, pour qu'on puisse s'intéresser véritablement aux personnages. Du moins en ce qui me concerne.
On ne sait pas trop non plus à quel genre le scénario de Budd Schulberg nous convie. Est-ce sensé être drôle ici? Est-ce que là cette montée de tension est supposée faire naitre un suspense? Et ce personnage féminin, il apporte quoi au juste? Et celui-ci, à quoi sert-il? Ce regard-là signifie-t-il quelque chose? J'ai beaucoup plus de questions que de réponses, ce qui m'a profondément usé. Surtout ces questions n'apparaissent pas vraiment intéressantes, les enjeux ne me touchent pas. Je ne rentre pas dans le film. Je le regarde de loin. Les questions s'agglutinent et finissent par m'ennuyer, nettement.
Je ne comprends toujours pas les intentions de Budd Schulberg, avant même celles de Nicholas Ray. Que de digressions inutiles et nous faisant perdre un temps fou : le fil conducteur de l'histoire ne cesse d'être découpé, haché par les petites histoires annexes. De toute façon, j'ai beaucoup de mal à accepter qu'une soirée de beuverie fasse des ennemis d'hier les meilleurs amis du monde. Ça ne passe pas.
J'en étais là quand j'ai lu le petit livret de Patrick Brion qui accompagne le dvd. Je n'irais pas jusqu'à dire que tout s'explique. Il faudrait sûrement plutôt lire le roman de Budd Schulberg. Mais il est clair que les conditions qui ont présidé à l'élaboration du film : production, tournage, montage et collaborations difficiles diverses expliquent en grande partie le manque d'homogénéité du film et la vision inaboutie qui s'en dégage. Avec un réalisateur toxico-dépressif et caractériel, un scénariste lui même producteur et des acteurs abandonnés à eux mêmes (la direction de Ray est pour le moins erratique), pas étonnant que le film apparaisse aussi mal foutu. Cependant d'autres films, aux tournages problématiques et au casting discuté ont su créer des sommets de l'art ciné.
Celui-ci, s'il est pourvu d'une photographie parfois très belle, que l'on doit au français Joseph C.Brun, ainsi que d'une distribution alléchante, n'en demeure pas plus emballant. L'aspect hybride du résultat final sur certaines scènes (les stocks-shots animaliers détonnent un peu) et des histoires à l'intérieur de l'histoire principale étouffent chez moi toute tentative d'intrusion de l'enthousiasme cinéphile que j'attends d'un grand film.
Décidément je n'ai pas de chance avec Nicholas Ray : ce n'est pas non plus pour cette fois que je tomberais amoureux de son cinéma.