De l'aveu de Kurosawa, la forteresse cachée est un film qui se voulait grand public en vue de financer ses futurs projets ; l’homme signe alors un divertissement ludique, jamais alambiqué, dont les enjeux, facilement mesurables, rendent l'histoire accessible et très divertissante. En adoptant le point de vue de deux paysans maladroits, qui se partagent les valeurs communes de la cupidité et la débrouillardise, Kurosawa marque son film d'une empreinte comique qui ne le quittera jamais. Les sourires s'imposent entre deux séquences plus sérieuses grâce aux bouffonneries inspirées de ses deux trublions, bien déterminés à remplir leurs poches d’un peu d’or fin pour assurer leurs vieux jours.


Mais résumer la forteresse cachée à un film d'aventure comique grand public ne serait pas lui rendre justice ; il porte en lui bien plus que cela. Cette fresque épique envoutante contient en effet tout le génie de son auteur en matière de mise en scène et de composition graphique. Ce dernier s’arme, pour la première fois de sa carrière, du cinémascope, pour composer un festival de belles images, dans lesquelles il met en valeur, avec beaucoup de maîtrise, toutes les séquences marquantes de son récit. Que ce soit lors d'un duel millimétré où deux samouraïs rompus au maniement de la lance se répondent férocement ou bien lors d'une chevauchée furtive où les coups de sabre se font à dos de monture, Kurosawa impose son style et son sens du découpage. Ce dernier, millimétré, ne laisse aucune place à l'improvisation ; l'efficacité est au rendez-vous pour permettre aux images d'arborer cet impact réel qu'elles conservent encore aujourd'hui, plus de cinquante ans après avoir été réalisées.


Toute cette finesse d'exécution est au service d'une intrigue qui ne se perd jamais en pistes poussives et malvenues. Le seul fil rouge qui tient le film est la fuite d'un groupe d'individus dont chaque membre se fait minutieusement analyser par un cinéaste soucieux de leur caractérisation. Chaque personnage possède sa particularité et permet au groupe d'avancer vers un objectif commun, plus ou moins volontairement. Si certains, poussés par une soif de richesse, s’évertuent à rester avec leurs compagnons de galère, les autres usent au contraire de leur charisme pour manipuler les plus faibles. Tout ce petit monde navigue en eaux troubles sans se rendre vraiment compte des conséquences de leurs agissements.
Les acteurs qui font vivre cette joyeuse bande s’investissent tous à corps perdu dans leur rôle, proposant une partition sans fausse note. Toshiro Mifune brûle l'écran de son charisme implacable, et même lorsqu’il tempère ses rugissements agressifs, il capte l'objectif de sa simple présence d'une façon quasi magnétique. La belle idée du film, c'est de lui associer, avec audace, un autre personnage au fort tempérament, qui trouve en la personne de cette princesse qu'il escorte le répondant nécessaire. Véritable résonance au féminin de son protecteur, elle apporte à l'intrigue une nuance bienvenue et surtout une pointe d'humanisme à un récit généreusement critique de la nature humaine.
Pour ne rien gâcher, tous les seconds rôles sont également au diapason.


Cette part belle faite aux personnages rend le film passionnant et permet à l'ennui de ne jamais se faire ressentir. Un petit manque d'inspiration se fait sentir dans la conclusion des hostilités, mais cette dernière prend finalement place dans le même état d'esprit que celui qui a ouvert l'aventure. La forteresse cachée commence par une dispute entre deux compères aux bouilles sympathiques, elle se finit sur la même note, quelques onces d'or en plus, les yeux d’un spectateur amusé scintillant de respect.




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oso
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le 11 janv. 2015

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oso

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