OVNI dans la filmographie de Michael Mann, La forteresse noire est avant tout le résultat d’un immense gâchis.
On connait l’ambition et la méticulosité du réalisateur, et le résultat final est évidemment indigne de ce qu’il projetait. Un tournage cauchemardesque, le décès du superviseur des effets visuels lors du tournage et un remontage exigé par le studio (la version de Mann durait 3h30…) expliquent sans doute beaucoup de ce qui nous est donné à voir.
Car si l’on laisse sa chance au film, l’exposition est plutôt prometteuse. Dans un registre fantastique, unique incursion à ce jour du cinéaste, Mann se concentre avant tout sur l’architecture, l’une de ses grandes obsessions visuelles. La forteresse en question, en pierre noire, fait l’objet de toutes les attentions, tant dans son aspect extérieur que sur ses aménagements, alternance entre croix lumineuses et dégagements démesurés. On peut appréhender l’ambition de Mann dans ce lieu-personnage : c’est d’une certaine manière la zone de Stalker, tandis que l’incursion vers les profondeurs infinies pavée de monolithes renvoie aussi à l’imagerie de 2001, L’Odyssée de l’Espace.
Mais toutes ces pistes vont rapidement s’étioler sous les affres d’un scénario balisé et obscur à la fois : rien ne fonctionne vraiment, que ce soit l’histoire d’amour improbable avec Scott Glenn, sorte de chevalier de lumière, et la fille de Ian McKellen, Gandalf en version jeune, dont la coupe renvoie à tout ce que les eigthies ont pu faire de pire, et que Lambert synthétise à merveille dans Subway. Il est au passage amusant de voir aussi le futur Magnéto vieilli et dans un fauteuil roulant, sorte d’anticipation inversée de son binôme avec le professeur Xavier.
On pourrait expliquer par un montage à la tronçonneuse le manque équilibre et d’épaisseur des personnages : rappelons que le film est tout de même passé de 3h30 à 1h et demie… Mais c’est sans compter sur le coup de grâce des effets spéciaux. On se souvient de l’horreur générée par le Dune de Lynch : nous sommes à peu près au même niveau. Éclairs dessinés à la main, fumigènes et yeux rouges pour un méchant pathétique, mix entre Skeletor et Oscar Isaac dans X-men Apocalypse, tout ce qui touche au fantastique est à jeter, le pire étant que cet aspect prend de plus en plus d’ampleur à mesure que le film avance.
Et ce n’est pas la réflexion sur le mal proposée (en gros : les nazis sont méchants mais faire appel à plus méchant qu’eux pour les éradiquer c’est prendre le risque d’avoir des encore plus méchants après) ou le sacrifice amoureux qui viendra sauver la donne.
Parenthèse amusante mais malheureuse dans la carrière de Mann, elle explique sans doute son retour à un terrain plus familier pour la suite de ses films : contemporains, urbains, à hauteur d’homme.
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