Un habile et perturbant usage de la voix off ouvre La fosse aux serpents : l’héroïne, assise sur un banc, nous laisse un temps entendre un recul par rapport à la situation avant que la multiplication des voix n’atteste d’un déséquilibre inquiétant.
Bien avant les explorations de la folie qui feront les grandes heures du septième art, ce film de 1948 propose donc un portrait d’une malade et, très clairement, une apologie didactique de la psychanalyse. C’est avec une certaine naïveté et un souci de la démonstration qu’on conduit le parcours thérapeutique de cette femme aux symptômes divers, entre délires paranoïaques et dédoublements identitaires et dont les effets dramaturgiques sont certains.
Passée l’épreuve des électrochocs dont on blâme sans peine la barbarie, place à l’échange verbal et au retour aux sources, sous forme d’enquête à partir de blocages : une date, un motif, la figure du père et de l’amant, tous les éléments de la mythologie freudienne, dont le portrait domine d’ailleurs la plupart des séances.
Si la démonstration peut prêter à sourire, la mise en scène au diapason d’un point de vue déviant est souvent convaincante : insistance sur les bruits, regard apeuré sur des personnages jugés hostiles, ou pratique de l’ellipse pour expliciter les refoulements permettent une certaine empathie avec le personnage d’Olivia de Havilland (qui sur-joue tout de même un peu dans ses tics faciaux qu’on croirait hérités de la période muette s’étant achevée 20 ans plus tôt).
La brutale rémission peut laisser dubitatif, et montre surtout comment une thérapie passée par le tamis de l’âge d’or hollywoodien aboutit à un véritable conte.
On retiendra surtout la question du regard, et particulière celui, bienveillant qui se prolonge dans les longues séquences accordées à cette nef des folles, occasionnant des portraits souvent touchants appelant à renouveler le regard sur l’aliénation.