A défaut d'avoir eu le temps de terminer ma critique de ce documentaire, je vous en donne quelques éléments, pour tenter de vous inciter à aller voir ce film avant que ce ne soit plus possible.
Un passage fait particulièrement peur, car il montre l'essor diffusion des idées de FN : celui où une femme d'origine marocaine (le film ne dit pas si elle a la nationalité française ou pas), qui a fait sa vie en France, qui travaille dans l'aide à domicile et a nommé ses enfants Océane et Florian, explique qu'elle vote FN parce que Marine Le Pen refuse l'assistanat. Elle explique aussi que ça ne la choquerait pas qu'on la renvoie au Maroc, la priorité devant aller aux Français ! Alors qu'elle vit en France et est bien intégrée !
Le point de départ du film de Jean-Robert Viallet est l'analyse d'un géographe, Christophe Guilluy, qui explique en gros (j'espère ne pas trop caricaturer son propos qui, forcément, est plus complexe) que la France depuis trente ans, sous le coup de la mondialisation, a été transformée profondément, aboutissant à une fracture sociale forte, opposant la France des grandes villes, concentrant le travail et les lieux de pouvoirs, connectée à la mondialisation et de plus en plus riche, et le reste de la France, fragilisé, une France périphérique à l'écart de l'emploi et de la mondialisation sans pour autant être un désert humain. Il y aurait dans ces territoires 60 % des Français, chiffre probablement contestable, lié à la difficile délimitation des territoires fragilisés. La réalité est plus complexe, tous les territoires ne sont pas fragilisés de la même manière et avec la même intensité. Le chiffre apporté doit donc être nuancé, même si la réalité présentée est assez juste. Christophe Guilluy fonde son analyse sur la cartographie et notamment la réalisation d'une carte de la France des fragilités sociales. Il faudrait en savoir plus sur les conditions de production de cette carte.
Quelques chiffres sont apportés pour soutenir le point de vue présenté : les deux tiers des richesses françaises seraient produites dans 25 métropoles. Surtout, le réalisateur a décidé de rencontrer des hommes et des femmes de cette France invisible, des jeunes et des vieux, des ouvriers, des paysans, des personnes à la recherche d'une voie...
Il nous montre cette France pour qui la recherche d'un travail pour avoir des conditions de vies ne seraient-ce que correctes est une inquiétude, la France du travail précaire, de l'interim, du temps partiel subi, celle des fins de mois difficiles, celle qui part peu ou pas du tout en vacances. Un film touchant qui montre ces Français qui se battent, une France qui trime, sans pour autant avoir un avenir certain, ces gens qui vivent au jour le jour, sans pouvoir mettre en place de réels projets. Mais le film évoque quand même quelques notes d'espoir, évoquant les AMAP
Une partie du film montre aussi l'évolution des grandes villes françaises, avec un phénomène pourtant discuté aujourd'hui parmi les géographes, celui de gentrification, c'est-à-dire une forme d'embourgeoisement touchant progressivement les quartiers populaires se situant à proximité des beaux quartiers, évolution sociale se caractérisant par une transformation du bâti et une rénovation des logements. Le film évoque ce phénomène qui a commencé rive gauche à Paris (rue Mouffetard, une partie de Saint-Germain des Prés), avant de se poursuivre rive droite (quartiers des Halles, Bastille, etc.) . on assiste ainsi à une radicale transformation des villes composées auparavant principalement de classes populaires (ouvriers, artisans, etc.) qui ont été progressivement évincées (le mot éviction est utilisé dans le film) laissant la place à des populations comptant pour l'économie actuelle (principalement des cadres). La ville moderne ne serait plus une ville pour tous, mais seulement réservée aux bénéficiaires de la mondialisation et au sous-prolétariat souvent immigré dont la ville a aussi besoin et qui parvient à s'insérer dans des interstices.
Le film nous montre ainsi une France d'entre deux eaux, ni ceux qui vivent correctement, ni les très pauvres, une France moyenne qui galère sans que nos responsables politiques les voient, car ils sont loin des grandes villes, des invisibles à la vie précaire pourtant de plus en plus nombreux et qui expriment un fort rejet du politique par l'abstention ou un vote FN.
A voir encore pour deux jours ici :
http://pluzz.francetv.fr/videos/histoire_immediate_,91073271.html
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