Pour son 3ème film, Bruce Lee souhaitant s'affranchir de la tutelle de Lo Weï qui avait réalisé Big Boss et la Fureur de vaincre, et avec qui il ne s'entendait plus, décide non seulement d'y tenir le rôle principal, mais aussi de passer à la réalisation, d'écrire le scénario et de régler les scènes de combats. Pour conquérir l'Europe, il choisit l'Italie et Rome, et appelle quelques champions US qu'il connaissait comme Bob Wall (qu'on retrouvera dans Opération Dragon et le Jeu de la mort) et Chuck Norris, 7 fois champion du monde de karaté, qui faisait donc ses premiers pas devant une caméra (et sans barbe).
Il existe plusieurs versions de ce film : la version originale hong-kongaise, une version pour l'Europe qui a été charcutée, remontée (dont la VF offre des voix sympas et des bruitages cartoonesques) jusqu'à un redoublage de 1993 qui massacrait le tout ; il y a aussi une version américaine qui a subi elle aussi de nombreuses coupes. Dans ces versions, le personnage de Bruce Lee se nomme un coup Tang Lung, puis un coup Bruce, ce qui fait que je ne sais plus quelle version j'ai vue dans mes jeunes années lorsque le film est apparu en France après la mort de Bruce, vers 1974 ou 75. Je l'ai revu ensuite de nombreuses fois en VHS et j'ai ingurgité ce film presque jusqu'à l'overdose, mais je dois cependant expliquer ma note de 9/10. La nostalgie joue beaucoup.
Si on y regarde de plus près, on s'aperçoit que le scénario est d'une simplicité incommensurable, limite stupide, avec des situations nanardesques et des acteurs mauvais : un jeune champion de kung fu arrive à Rome pour aider un oncle dont le restaurant est racketté par des mafieux et pète la gueule à tous ceux qui lui cherchent des crosses, puis le mafieux embauche un as du karaté qui à son tour trouve à qui parler à l'intérieur du Colisée. Evidemment à l'époque, on s'en foutait, mais aujourd'hui, tout ceci est risible, le scénario est moins élaboré que celui de la Fureur de vaincre, il ne sert que de prétexte pour de fantastiques scènes de combat, car tout le film repose entièrement sur la personnalité de Bruce Lee qui ajoute l'humour qui manquait à ses précédents films.
Son affrontement mythologique avec Chuck Norris reste bien entendu LE morceau de bravoure du film ; filmé entièrement à Hong Kong dans un décor bien reconstitué de Colisée (et quelques plans furtifs tournés dans le vrai Colisée, avant le combat), il prend une dimension surprenante et monumentale, surtout lorsqu'on découvre Bruce Lee pour la première fois, comme ce fut le cas pour les gars de ma génération. Son charisme indubitable, ses postures typiques, ses déplacements et son style félin, sa façon de combattre et de se comporter... tout concourt à une véritable beauté dans cette grande scène, comme dans celles de l'arrière-cour du restaurant où Bruce fait une démo de nunchaku phénoménale. S'il n'y avait pas ces scènes très percutantes et l'aura de Bruce, le film serait à coup sûr un nanar de première.
Ce combat du Colisée est sans doute le plus violent et le plus hargneux de tous les combats d'arts martiaux jamais vus sur un écran à cette époque, l'un des plus grands affrontements, mais de l'avis des spécialistes, il est hélas un peu court et il aurait pu être certainement mieux élaboré, plus affiné, plus démentiel en donnant par exemple un style plus esthétique à Chuck Norris qui n'a pas trop le temps de montrer son art.
C'est pour ça que je disais dans ma critique sur la Fureur de vaincre que le combat du dojo semblait supérieur à celui du Colisée, mais quoi qu'il en soit, ce combat reste dans les annales, il restera inoubliable malgré ses défauts, et on peut féliciter Bruce pour sa chorégraphie parfaitement filmée qui fait de la Fureur du Dragon l'un des meilleurs films d'arts martiaux de tous les temps.

Ugly

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