Le plaisir de mourir
(Attention, critique susceptible de contenir des spoilers) Marco Ferreri est un réalisateur que j'admire beaucoup, tout autant pour sa détermination à dépasser sans cesse les frontières posées...
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le 29 oct. 2010
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Ce film est à l'opposé de l'épicurisme qui nous propose de rechercher avec modération les petits plaisirs qui sont à notre portée. Il est aussi à l'opposé de son contraire, le stoïcisme. Paradoxe? en fait, il est à l'opposé de tout ce qui fait sens.
En cherchant à humilier la petite bourgeoisie et sa recherche des plaisirs, à dénoncer la société de consommation qui demande toujours plus, Ferreri plonge ce qu'il y a de plus humain en nous dans une débauche de stupre et de scatologie. Qu'y a-t-il de plus humain que d'apprécier la chère et la chair? (Ce n'est sans doute pas sans raison que ces deux termes se confondent à l'oreille). Qu'y a-t-il de plus morbide que de lier le plaisir et la mort?
Je ne critique pas la trivialité, Rabelais en usait largement, mais au service de la vie:
"Il s’esveilloit entre huyt et neuf heures, feust jour ou non. […] Puis se guambayoit, penadoit et paillardoit parmy le lict quelque temps pour mieulx esbaudir ses esperitz animaulx ; et se habiloit selon la saison. […] Puis fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoit, pettoyt, baisloyt, crachoyt, toussoyt, sangloutoyt, esternuoit et se morvoyt en archidiacre, et desjeunoyt pour abatre la rouzée et maulvais aer : belles tripes frites, belles charbonnades, beaulx jambons, belles cabirotades et forces soupes de prime."
Mais si je fais référence à Rabelais, ce n'est pas par hasard. Andréa Ferréol qui pour Marco Ferreri doit représenter la mère, l'épouse, la femme soumise, la vestale chargée d'assister les autres personnages dans leur dessein morbide échappe à son personnage. Elle profite, boit, gueuletonne, s'offre à qui la désire, profite, jouit... Elle aime la vie.
Je ne la perçois pas comme l'archétype de la femme objet qu'a voulu le réalisateur, mais comme un personnage rabelaisien. Elle sauve (à peine) le film de la note infamante (mais pas du coin des coprophages).
Critiquer les excès de la société de consommation fait consensus. Remplacer le désir par la boulimie pourrait être une manière de dénoncer ces excès, mais la boulimie écarte tout plaisir et mêler le désir et le plaisir à la mort est pervers.
Et finalement, j'accorde toute ma sympathie à cet infâme bourgeois d'Obélix:
https://www.youtube.com/watch?v=LkBmg2Ynzz8
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes politique et société, Le coin des coprophages et Après le confinement
Créée
le 30 janv. 2016
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7 commentaires
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