La Grande extase du sculpteur sur bois Steiner par robinnicollet

Parce qu'il rêvait de voler, Walter Steiner a choisi une discipline sportive, le vol à ski. Cette discipline sportive ne lui apporte pas de satisfaction sportive, mais est le trou de souris par lequel il s'approche de son extase : la pleine conscience qu'il obtient dans les quelques secondes de temps suspendu dans les airs.

C'est donc un drôle d'équilibre entre les exigences d'une organisation sportives codifiées et la quête intérieure d'un homme que nous propose de vivre Werner Herzog, un duel entre une organisation qui souhaite le voir aller toujours plus haut, et un sauteur qui ne souhaite que rester dans les limites de la sécurité, pour pouvoir vivre, vivre encore ce sentiment, et rêver jour après jour de pouvoir un jour s'envoler.

Armé de nombreuses caméras, des plus virtuoses capturant dans des ralentis sidérants l'homme oiseau se détacher du ciel, aux plus intimes montrant la préparation des athlètes et capturant les moments de concentration et de doute avant chaque saut, l'équipe de Werner Herzog saisit la beauté du geste avec une grande précision, tandis qu'Herzog lui-même se fait journaliste pour suivre les évènements avec une ironie peut-être moins mordante et une approbation plus admirative que jamais.

Car c'est finalement l'un de ses portraits les plus sages. Il ne se bat pas avec son modèle mais semble l'approuver, peut-être parce que Steiner est l'un des meilleurs doubles d'Herzog, que l'allemand adopte totalement le point de vue du suisse par son montage et sa narration, qui laissent transparaitre l'affrontement, le duel, que mène Steiner qui souhaite voler bien et dans son élément, à l'organisation de cette tournée qui ne souhaite rien tant que d'offrir un divertissement à ses spectateurs en lui offrant des records ou à défaut une chute spectaculaire, peut-être même fatale.

Parce que rien n'est plus facile que de convaincre un amoureux du vol de s'envoler, fusse au péril de sa vie, et c'est cette tension entre inquiétude et désir ardent de sauter que sait saisir Herzog, ce désir ardent qui est le fil rouge du film, bien plus que les oripeaux de la compétition et de la gloire sportive qui sont le prétexte à la quête de l'extase.

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le 2 janv. 2024

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