L'innocence, curieuse notion, que personne ne sait réellement définir, est au cœur d'un grand malentendu, un fossé d'incompréhension entre la conception figée, naïve et nostalgique que se font les adultes de l'enfance, et la réalité de cette absence de toute faute, de toute expérience positive ou négative du monde. Paradoxalement, après avoir vu le dernier film de Hirokazu Kore Eda, personne ne semble connaître plus mal les enfants que les personnes qui doivent les éduquer.
Pour explorer la complexité des rapports humains entre le monde de l'enfance et la société des adultes, Hirokazu Kore Eda compose un film d'une grande virtuosité dans sa construction, au risque de rester perplexe face à la trop grande complexité de sa narration et de ses effets de style.
Le prémisse : des enfants se comportent anormalement, et on accuse pèle mêle les parents, l'équipe éducative, et les autres enfants.
Sur ce postulat dramatique, le film explore les points de vue de 3 protagonistes, et cela est l'occasion d'explorer de multiples genres cinématographiques et d'en passer par tous les codes : peinture sociétale étrange, thriller psychologique qui, peut-être en raison de notre écart culturel avec la société japonaise (ou pas) vire presque à la comédie noire ; portrait psychologique réaliste d'une descente aux enfers ; grande fresque naïve de l'enfance.
Le film frappe par la richesse de sa mise en scène. Le sentiment d'unité de lieu et de temps est accentué par une grande cohérence dans les lieux visités, le déroulé des évènements, mais au profit d'un éclatement des points de vue par une multiplication des angles de caméra.
C'est là qu'est sa force, mais peut-être aussi sa limite. La construction narrative voudrait nous faire ressentir ce gouffre qui existe entre le point de vue des adultes qui cherchent un coupable, et le point de vue des enfants qui explorent leur propre conscience naissante.
Pour se faire, elle multiplie fausses pistes, curieuses digressions, qui empêchent parfois l'émotion la plus brute d'affleurer dans les moments les plus beaux.
Jusqu'à la libération finale, qui nous laisse abasourdi, béat par le sentiment de liberté fou de cette renaissance, que nous laisse enfin apprécier pleinement la caméra.
Un film sans doute à revoir pour en saisir toutes les nuances.