Un duo comique pour raconter la triste guerre

Avec un Alberto Sordi tournant à moyen régime, plutôt drôle mais pas très à l’aise avec la tonalité tragique, et un Vittorio Gassman toujours aussi juste et charismatique, La Grande Guerre repose sur ce duo comique pour raconter la triste guerre : amalgame que les comédies à l’italienne de la grande époque ont su réaliser, en particulier grâce à Monicelli.

En effet, on retrouve tant dans Le pigeon que dans Les camarades cette dualité que les plus grands réussissent à harmonieusement marier. Ce n’était pourtant pas tâche aisée. Mais dans cette comédie apparemment légère Monicelli parvient à dénoncer l’absurdité de la guerre, déracinant des arbres ancestraux, tuant gratuitement les hommes dont les épouses louent la bonté, fauchant froidement les vies de jeunes innocents pour des valeurs trop abstraites comme la patrie – valeurs pas très claires pour la majorité des soldats, à l’instar de notre duo de comédiens qui, égaré, ne sachant pas vraiment où il se trouve et encore moins vers où il se dirige, ignorant ce qui se passera demain et ce pour quoi il lutte, espère que cela se finira le plus tôt possible et essaie par dépit de s’échapper, ne serait-ce que le temps d’une nuit. De très belles scènes, touchantes mais sans excès de pathos, le traduisent : celle du quai où nos deux compères rencontrent celle qui ne se sait pas encore veuve ; la mort de ce mari au combat, ou encore celle du jeune messager ; ou enfin celle de l’homme dont la maison se voit défigurée pour des besoins pas très évidents. À celles-ci ajoutons les scènes plus comiques, au tout début de la guerre, comme la rencontre dans la caserne militaire des deux fourbes Sordi et Gassman ou encore celle de Gassman avec la splendide et scandaleuse prostituée incarnée par Silvana Mangano.

Monicelli dépeint au fond un type, celui de l’Italien moyen, malin et couard, mais avec empathie et chaleur – comme le démontre la scène finale de la fusillade – en guise de catharsis pour un peuple qui n'a pas été toujours très noble mais au fond bien humain.

7,5/10