Abandonnez tout espoir vous les curieux et kamikazes spectateurs et spectatrices qui vous lancerez dans le visionnage au combien périlleux de Le Guerre des Espions de Henri Boyer allias Jean Louis Van Belle. Cette comédie d'espionnage franco-belge de 1972 va mettre vos sens et votre intellect à rude épreuve pouvant même occasionner des séquelles psychiatriques sérieuses et irréversibles. Je vous conseille vivement de conserver un petit verre d'eau à portée de main, non pas pour apaiser votre soif, mais pour vous le verser sur la tête en cas de surchauffe du cortex et lors des tous premiers signes de pertes d'autonomie ou de tremblement hystérique de la paupière accompagné d'écoulements intempestifs de bave à la commissure des lèvres. Il est préférable également en cas d'écoulement nasal de vérifier immédiatement que ce ne soit pas votre cerveau liquéfié par tant de connerie qui tente de se faire la malle par vos trous de nez. J'exagère à peine tant le film du réalisateur de Paris Interdit et Le Sadique aux Dents rouges est une expérience totalement autre aux confins du réel qui vous fera par instant douter de votre propre santé mentale. Le retour à la normal une fois ce truc terminé nécessiterait presque un sas de décompression histoire de retrouver par palier la réalité et réhabituer son cerveau à un fonctionnement un peu plus classique avec toutefois les quelques neurones qu'il aura grillé en cours de route.
Difficile de raconter l'histoire de La Guerre des Espions tant le film baigne tout entier dans un délire joyeusement bordélique d'humour potache, débile, absurde et emprunt de non sens. Il est visiblement question, du moins pour ce que la partie encore irriguée de mon cerveau aura compris, d'une histoire de mallette contenant les plans d'une arme nucléaire convoitée par différents espions internationaux (un grec, un breton, un allemand et un un écossais) regroupés à Avoriaz.
La Guerre des Espions est une comédie loufoque et hystérique qui enchaîne les gags, les calembours, les grimaces et l'absurde avec la régularité d'un tir de mitraillette en discontinue durant 75 minutes. On a la sensation étrange que le film aligne un gag toutes les six secondes comme on vous assénerait un coup de marteau qui fait Schboing !! sur la tête donnant l'impression d'être un fou qui se cogne la tête contre un mur capitonné entre deux rires nerveux. Il est toutefois important de préciser pour comprendre l'expérience surréaliste que propose La Guerre des Espions que le film, malgré la profusion de tentatives, réussit l'exploit de ne jamais être drôle en lui même et que si à un instant, comme sous l'emprise d'un puissant psychotrope, vous commencez à rire bêtement c'est juste que votre intellect à totalement lâché prise. J'en ai pourtant vu des films cons à bouffer du foin et des comédies complètement débiles mais La Guerre des Espions c'est du hors compétition tant on atteins ici un niveau de n'importe quoi proprement surréaliste d'agitation stérile et dadaïste. Car en plus des calembours lourdingues, des gags visuelles pas drôles, des grimaces ridicules d'acteurs en roue libre, d'un sentiment épuisant de folie furieuse le film qui n'a quasiment aucune trame scénaristique possède un sens elliptique bien à lui du découpage et du montage renforçant encore un peu plus l'aspect quasiment expérimental du bousin. Jean Louis Van Belle semble apprécier le rythme soutenu et que tout aille vite, trop vite même, comme si parfois il filmait la chute d'un gag sans avoir pris le temps d'en filmer le contexte et l'exposition faisant au final de La Guerre des Espions un film assommant de par son tempo saccadé et épileptique.
Mais quelle est donc la nature de cet humour pas drôle vous demandez vous l'air dubitatif devant vos écrans ?? Et bien si je vous dit qu'à côté de La Guerre des Espions le pire film de Philippe Clair ressemble à du Lubitsch, que le plus raté des Max Pécas prend soudainement des allures de Woody Allen et que la pire bouse de Fabien Otoniente ressemble à du Judd Appatow vous aurez une toute petite idée du traumatisme Jean Louis Van Belle. Il faut vraiment imaginer un film à la Philippe Clair mais réalisé sous acide avec des dialogues écrits par le beau frère sans talent de Raymond Devos après une overdose de weed fumé dans des pages d'un almanach Vermot périmé et avec une troupe de comédiens amateurs échappés d'un atelier expérimental de théâtre en milieu psychiatrique. Les jeux de mots sont du niveau de : "Les allemands aiment la soupe au Schultz" – "Les bretons sont les meilleurs pour faire sauter les grecs" - Le ministre de l'intérieur nous appelle de l'extérieur" ou " Il a mis les piles côté face". Vous aurez droit entre autres réjouissances à un type qui se prend un coup de combiné téléphonique quand il attend un coup de fil, un mec qui bat des œufs dans une remontée mécanique car il monte des blancs à la neige ou une meuf qui traverse l'écran en faisant du cheval sur un saint Bernard. Le film utilise des intertitres, bruitages et bulles type BD visibles à l'écran pour renforcer la pertinence toute relative de ses gags comme lorsqu'à l'image un policier fait sa patrouille avec l'intertitre poulet en balade et un vieux bruitage de poule effectué à la bouchepar un local déchiré au vin chaud. Parfois les comédiens se mettent à danser comme des débiles profonds en grimaçant, se battent contre un type chichement déguisé en ours blanc ou s'envoient des boules de neige comme des grenades en les dégoupillant avec les dents, de toute façon à un moment donné, une fois fondu dans la folie ambiante, plus rien de ce que vous verrez à l'écran ne vous semblera singulier ni surprenant. Le pire c'est que l'on termine le film avec la sensation d'avoir manqué une bonne moitiè des gags titillant presque un désir masochiste de se refaire le film jusqu'à la mort cérébrale.
Au casting on retrouve quelques visages connus comme Maurice Biraud, Jacques Balutin et Pierre Doris qui ne jouent toutefois que dans le prologue et le final du film, car il y-a un concept étrange de film dans le film avec la projection test du film La Guerre des Espions face à un parterre composé du producteur, du réalisateur, de critiques, de quelques invités et de l'acteur du film (Peut être même rajouté pour dépasser les soixante minutes). Pour ce qui est du cœur de l'intrigue elle même, on reconnaîtra l'humoriste à moustache Marcel Zanini, l'éternel second rôle et faire valoir comique Philippe Castelli, la charmante Martine Kelly ( Hibernatus – Les Fous du Stade – Les Grandes Vacances) dans le rôle de Bastos et le flegmatique acteur d'origine germanique Felix Marten (La Horse – Le Pacha – Les Raisins de la Mort). Le reste du casting est relativement méconnu mais nous offre quelques pépites comme ce comédien qui incarne une caricature d'allemand à la Adolf à faire passer Henri Tisot dans Le Führer en Folie pour un modèle de subtilité, de retenu et de finesse.
La Guerre des espions est un nanar particulièrement corsé, une véritable arme de destruction massive du bon goût et de la capacité cognitive. Le genre de film réservé à une élite surentraînée à la connerie et capable d'y déceler une certaine poésie de l'absurde.
Ma Note Nanar : 08/10