Disons-le d’emblée : j’aborde Star Wars comme n’importe quel autre film. Ni fan transi, ni hater conchiant l’ordre mondial.
L’Episode IV a mon âge. Je l’ai vu deux fois, dans mon enfance, et à l’occasion de la ressortie en salle, pour le 20ème anniversaire, je crois. Autant dire que je suis loin de lui avoir voué un culte, et j’ai vu s’épaissir autour de moi une mythologie que l’industrie s’apprête à lucrativement réactiver.
C’est à la faveur d’un passage de relai générationnel que j’entame le visionnage des deux trilogies, dans l’ordre chronologique cinéphilique plutôt que narratif. Soucis de cohérence historique et esthétique, même si les gamins ont encore du mal à capter le concept.

Star Wars est un film de 1977 : il est absolument indispensable de ne pas oublier cette information lorsqu’on le visionne. Dans sa critique sur le Journal d’une fille perdue de Pabst, Limguela dit des choses passionnantes sur les films muets et leur grammaire flottante qui irrite notre œil aujourd’hui aguerri : on pourrait faire un parallèle avec celle du blockbuster SF ici.
Le premier élément qui peut dérouter est son rythme, lent et dilaté, voire lâche dans sa première moitié. L’ennui guette franchement, et l’on attend que les choses décollent, alors qu’elles ont tendance à s’enliser, voire s’ensabler.
Ensuite, reconnaissons que l’âge du film lui confère une patine délicieusement surannée qu’on met un peu de temps à identifier. Ce langage précieux, cette fraicheur dans l’intrigue, cette naïveté généralisée est bien celle du classicisme, celui des épopées à l’ancienne et des westerns de l’âge d’or. Point de cynisme et d’ironie ici, au point qu’il faille se décrasser les yeux pour se remettre en phase avec cet univers bien plus proche d’Oz et de Ford que de Marvel et Michael Bay.
Star Wars a cet intérêt de poser les pierres premières d’un univers et d’une mythologie ; dans cette optique, force est de constater la cohérence et l’ampleur du projet. Tout est là, et c’est avec une certaine émotion qu’on assiste à l’acte de naissance de ce qui deviendra un continent dans l’entertainment mondial.
Ce qui frappe, ce n’est pas tant la trame générale, somme toute classique même si déplacée dans un contexte un peu nouveau pour l’époque, mais la somme des détails qui compose l’univers. Des maquettes et décors qui doivent beaucoup à Kubrick, un bestiaire bigarré et muppet à souhait, dessinent les frontières invisibles d’une constellation où tout est à découvrir. Ce n’est pas pour rien qu’on parle un si grand nombre de langues ou de borborygmes incompréhensibles : ici, l’invitation est faite à l’immersion dans une terra incognita au pouvoir de fascination sans limite.
Autre élément capital, le son : les trouvailles que sont les bruitages des sabres ou pisto-laser, des cris de Chewbacca ou des hurlements des petits modules de l’Empire sont magnifiques. Et je ne parle même pas du score de John Williams, fondateur, épique et grandiose.
Star Wars, par son récit suspendu, permet aussi un élément capital : celui de se construire sur des ruines. Celle de la République, celle de l’ordre des Jedi, appelant une notion fondamentale, celle de la foi. L’Episode porte bien ce titre qu’on lui donna a posteriori : « A new hope ». Un nouvel espoir dans l’ordre établi, une croyance en l’avènement d’un divertissement nouveau par ses créateurs, pour le meilleur, la naissance d’un mythe, et pour le pire, l’ouverture d’un hypermarché intergalactique.

http://www.senscritique.com/liste/Revoyons_Star_Wars/676912

Créée

le 15 nov. 2014

Critique lue 3.8K fois

90 j'aime

14 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 3.8K fois

90
14

D'autres avis sur La Guerre des étoiles

La Guerre des étoiles
Hypérion
9

Les stormtroopers tirent comme des cochons mais on y croit quand même...

Encore une fois, parmi d'innombrables fois, je viens de revoir la Guerre des étoiles. Parce que oui, c'est La Guerre des étoiles avant tout ce remaniement de titres suite à la globalement immonde...

le 10 févr. 2012

146 j'aime

39

La Guerre des étoiles
Sergent_Pepper
5

Space Opera, Terra incognita.

Disons-le d’emblée : j’aborde Star Wars comme n’importe quel autre film. Ni fan transi, ni hater conchiant l’ordre mondial. L’Episode IV a mon âge. Je l’ai vu deux fois, dans mon enfance, et à...

le 15 nov. 2014

90 j'aime

14

La Guerre des étoiles
DjeeVanCleef
8

Les pods, l'espoir, et les Chewbie doux bidoux

Séquence nostalgie mon pote puisque cette trilogie, pour la grosse majorité des gens de ma génération, et pour les suivantes aussi d'ailleurs,c'est nos contes des Grimm à nous. Et s'y replonger de...

le 26 janv. 2014

87 j'aime

17

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53