Le film catastrophe n'est pas un sous-genre, bien que nombre des films qui le composent sont des navets notoires, manichéens à souhait, mal joués le plus souvent, aux scénarios tenant sur un ticket de caisse et aux réalisations spectaculaires mais limite de mauvais goûts.
Dans ce genre, La Guerre des Mondes surnage, servie par le talent de Spielberg pour la mise en scène. Spielberg est un grand spécialiste du genre, que ce soit la SF, le thriller, l'horrifique, le film de guerre ou historique. Pas un pan du cinéma ne lui a échappé, toujours servi par le spectaculaire et un sens certain du style.
Spielberg a beau pourtant faire du genre, il a toujours sa propre patte, ses marottes. Loin de se couler dans les clichés des films catastrophes, Spielberg parle de ses thèmes de prédilection : l'enfance, la famille, la nature. Mais il n'oublie pas le matériau dans lequel il puise, le roman La Guerre des Mondes. Il ne fait pas de ses personnages des héros, ou plutôt il en fait des héros malgré eux, comme il le faisait dans Jurassik Park, dans Il faut sauver le Soldat Ryan. Ce sont les circonstances qui dictent les conduites et font ressortir le meilleur ou le pire. Mieux, ce ne sont même pas eux qui sauvent le monde mais c'est le monde qui se sauve lui-même, comme si finalement, à la manière des Godzilla, la nature se régulait d'elle-même et nous humains étions des spectateurs impuissants, le spectacle ici, la catastrophe étant l'objet central du film que le spectateur observe. On est loin du patriotisme naïf de Emmerich, des Marine grimpant dans un avion de chasse et délinquant de la soucoupe.
La catastrophe est réaliste, malgré l'irréalisme de l'apparitions extraterrestres. Voir ces foules désespérées, ce train en feu, ses tanks en flamme qui dévalent les pentes des collines, ces corps qui flottent à la surface d'une rivière, ces maisons en ruine, ces voitures abandonnées crée une dimension apocalyptique, désespérante et tragique. Ces moments sont si réalistes, si plausibles, et ces figurants anonymes qui tentent de fuir la mort nous ressemble tant, qu'on est littéralement happé par l'horreur. On se pense alors dans le film. Le fort pouvoir d'identification fait son effet. Serons-nous ce père qui tente de sauver sa fille ? Serons-nous cet ado rebelle et casse-cou ? Serons-nous des héros ou nous terrerons-nous en attendant des jours meilleurs? Aucune bravoure, aucun homme ne semble pouvoir sauver l'humanité ici, n'en déplaise à Hollywood.
La fin, d'ailleurs, va dans ce sens, l'homme ne peut rien, pris entre ces extraterrestres supérieurs et une nature qui finit pas les battre. L'homme n'est plus maître de son destin.
Spielberg a le sens du drame. Mais, tels des héros antiques, impuissants face à leur destin, il n'y a aucun héroïsme ici, aucune personne extraordinaire, des gens normaux, seuls face à la mort. Un film non pas catastrophe mais sur la catastrophe, véritable personnage du film, qui règle et dérègle les destinées à la manière d'un dieu apocalyptique.