Le meilleur Spielberg reste celui qui joue la carte du divertissement et se fait plaisir, comme c'est le cas avec son angoissante adaptation de l'intemporel La Guerre des Mondes.
Déjà, l'auteur américain prend la bonne initiative d’adapter le roman à sa façon, de l’actualiser et de mettre en scène sa vision de l’œuvre. C’est d’ailleurs un film assez personnel où le personnage principal est un père divorcé qui a du mal à avoir des relations normales avec ses enfants, Spielberg ayant été très touché par la séparation de ses parents. L’aspect et l’unité familiale prend une place importante dans son cinéma en général et ce film en particulier, ainsi que sur le destin des personnages. Ici, il place son histoire dans un contexte réaliste et actualisé, où il va d’abord présenter les protagonistes, principalement le père divorcé et ses deux enfants, avant d’entrer dans le vif du sujet avec d’abord des orages, d’étranges phénomènes et des engins énormes qui vont surgir de la terre et désintégrer tout sur son passage, des humains aux infrastructures.
S’il y a des références au terrorisme et en particulier aux 11 septembre (mais pas que, déjà H.G. Wells avait écrit les envahisseurs comme des êtres plus intelligents et qui frappaient comme les colonisateurs pouvaient le faire… sans pitié), ce n’est jamais lourd et surtout ce n’est pas vraiment l’intérêt du film. Spielberg sonde l’âme humaine et sa peur. Ici le héros est impuissant et ne peut faire face et combattre le danger, obligé de fuir, de se cacher et le metteur en scène de Minority Report observe le comportement de cet homme ainsi que celui de la foule autour de lui. Il y a l’instinct de survie, le fait de penser à ses proches avant de penser à soi-même ou tout faire pour s’engager dans l’armée avec un fort aspect patriotique. L’humain est complètement dépassé (ainsi que capturé et broyé !).
Mais surtout, quelle mise en scène de Spielberg ! Il instaure un climat angoissant et une tension qui ne fait que prendre de l’ampleur en même temps que les dégâts subis. Il trouve le parfait dosage entre moments calmes et scènes d’actions, souvent réussies et marquantes que ce soit celle dans la grange avec Tim Robbins, sommet d’intensité ou lorsque les tripodes sortent de l’eau. Spielberg élimine tout sentimentalisme ou niaiserie, on est bien loin des films où les extra-terrestres venaient en paix, signe que les temps et l’Amérique ont bien changé. Il est toujours dans un ton assez réaliste, participant à la réussite du film, et il combine à merveille décors naturel et effets spéciaux. Sans être transcendante, la B.O. de John Williams provoque aussi son petit effet lorsqu’elle est bien utilisée.
Tom Cruise est comme souvent impeccable dans ce genre de rôle qui lui va à merveille, même si c’est durant la promo de ce film qu’il commença à déraper (symbolisé par ses délires et sa déclaration pour Katie Holmes sur le canapé d’un show US, Spielberg dira même ne plus vouloir travailler avec lui). Il est superbement dirigé et rend son personnage de looser plutôt attachant, tandis qu'il est assez bien entouré, notamment par les jeunes comédiens.
Décidément, H.G. Wells survit à travers le temps, et de très belles manières. Sous ses airs de gros blockbusters formatés, La Guerre des Mondes façon Spielberg est en réalité un film passionnant sombre, angoissant, plutôt subtil, constamment sous tension ainsi que maîtrisé d’une main de maître.