Steven Spielberg est probablement l’un des meilleurs conteurs d’histoires au cinéma. Et lorsqu’il adapte le célèbre roman d’H.G. Wells, La Guerre des Mondes, cela lui donne l’occasion de revenir au genre de la science-fiction, qu’il a déjà bien exploré avec des films renommés comme Rencontres du Troisième Type, Minority Report, A.I., ou, dans un autre registre, E.T..
Dans La Guerre des Mondes, nous apprenons que la Terre et l’espèce humaine sont observés attentivement par des extra-terrestres, qui attendent le bon moment pour venir envahir notre planète et éradiquer l’humanité, qu’ils considèrent comme des nuisibles. Nous assistons ainsi au moment où cette invasion va débuter, choquant le monde entier et mettant exposant l’humanité à l’un des plus grands dangers qu’elle ait connu. Une invasion rapide, soudaine, à l’image de sa propagation décrite à travers les journaux télévisés qui font état d’événements étranges en Asie et en Europe, avant de rapidement rejoindre les Etats-Unis, théâtre des faits décrits dans cette Guerre des Mondes.
Pour aborder son sujet, Steven Spielberg utilise notamment des jeux d’échelle. Tout d’abord, le point de vue de l’espace pour illustrer le regard des extra-terrestres qui semblent nous observer à travers un microscope. Puis celui de Ray, docker travaillant dans d’immenses monte-charges, déchargeant d’énormes containers, observant le monde de haut depuis sa grue, montrant la puissance des inventions technologiques humaines, et l’ascendant que les Hommes ont pris sur l’environnement qui les entourent. Enfin, surviennent les Tripodes, machines destructrices géantes qui terrorisent la population, ressemblant à de petits insectes face à ces monstres. Ces jeux d’échelles permettent à Spielberg d’établir les rapports entre les forces en présence, faisant soudainement passer l’Homme d’espèce dominante à une espèce grouillante et fragile.
La Guerre des Mondes vient convoquer de nombreux sujets. Naturellement, l’invasion de la Terre par les extra-terrestres, avec la volonté d’anéantir l’humanité, fait écho aux impacts négatifs de cette dernière sur l’écosystème et la biosphère. C’est également un film qui parle de l’intime en centrant son récit autour d’une famille déchirée, racontant tous les clivages qui la séparent, montrant la force de l’unité face l’adversité, mais aussi le passage à l’âge adulte. On y trouve, également, les traumatismes du 11 septembre, avec la présence de cet ennemi insidieux, discret, et destructeur et imbattable lorsqu’il se met à frapper, évoquant le terrorisme, nouvelle manière de faire la guerre. De nombreux sujets qui trouvent chacun leur place dans ce film impressionnant qui n’hésite pas à flirter avec les codes de l’horreur pour créer une atmosphère singulière, nous faisant percevoir ce même sentiment de panique qui habite les personnages du film. Le tout est renforcé par de multiples recours au hors-champ, appuyant ce sentiment de menace invisible, que l’on ne peut regarder en face.
Ici, il n’y a pas de héros. Certes, Tom Cruise a hérité du rôle principal, mais il n’est pas ici pour sauver le monde, et il n’en a pas la carrure. Comme expliqué précédemment, les humains sont présentés comme des petits êtres grouillants et fragiles, et c’est en diluant les individus dans cette foule immense que le dispositif du film fonctionne. Bien sûr, la sous-intrigue familiale vient mettre en relief tous les tourments que peuvent causer ces envahisseurs, ainsi que la personnalité de chacun, qui doit trouver son rôle dans l’histoire. En définitive, Spielberg relève une nouvelle fois le défi haut la main, parvenant à faire ressentir au spectateur de nombreuses émotions dans un film percutant et impressionnant, tout en exploitant pleinement les pistes de lecture offertes par le roman de base, et en les intégrant dans notre époque pour les réactualiser. Le temps semble avoir fait son œuvre pour ce qui est de cette Guerre des Mondes version Spielberg, qui continue à se faire une place de choix dans une filmographie déjà très fournie.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art