Miike et le Disney qui coule
Le fait que The Great Yokai War soit un film pour enfants et que sa réalisation ait été confiée à Takashi Miike explique sûrement beaucoup de choses chez nos amis du pays du soleil levant: le bondage, le hentaï avec des tentacules, l’obsession pour les poitrines regorgeant de lait, Takeshi’s Castle, et probablement le sentaï, les toilettes japonaises (avec des caméras dedans), ainsi que cette fameuse publicité sur le chiotte parlant ayant fait le bonheur des habitués de YouTube.
Et c’est sans doute pour ça que j’aime le Japon.
Récit initiatique nous plongeant dans le folklore nippon, le film de Miike —à l’instar d’un Sen to Chihiro no Kamikakushi, nous rappelle au combien le bestiaire imaginaire japonais est riche et varié, exotique en diable, étrange et étranger, tordu, effrayant, amusant. En un mot : fascinant.
Encore une fois d’ailleurs —et c’est valable pour une bonne partie de ses métrages, la grande réussite de GYW réside dans cette capacité qu'a Miike à rendre la bizarrerie sympathique, et c’est une chose surtout palpable dans la première partie de ses films ; c’est à dire avant que son éternel souci de rythme et de longueurs viennent comme à l’accoutumé gâcher les atouts de ses histoires.
Ici, la première heure vous entrainera dans un récit initiatique aussi bizarre qu’attachant, porté par un gamin pour une fois assez supportable, évoquant de loin un croisement entre Neverending Story et Kikujiro no Natsu de par l’exotisme de son bestiaire et le déchirement d’une enfance éclatée par un divorce, entourée de figures parentales incongrues mais auxquelles ont adhère immédiatement.
Une première partie qui fonctionne bien, notamment lors de l’immersion du personnage de Tadashi dans le surnaturel (la recherche du Gobelin dans la forêt), à condition bien sûr de garder en tête qu’il s’agit là d’un film pour enfants, et de savoir garder un regard en conséquent.
Le problème, c’est que Miike fait encore une fois preuve d’incapacité à maintenir un traitement homogène d’un bout à l’autre de son film.
D’abord le rythme s’essouffle lamentablement dès le milieu de l’histoire et le tout se met à souffrir de longueurs nous faisant regretter les minutes excitantes et pleine de charme de la première partie. Si bien que la deuxième heure s’étire péniblement jusqu’à une conclusion hystérique pas forcément des plus passionnante ; excepté la toute fin, tout d’abord mignonne et en adéquation avec l’esprit initiatique du récit de base, et dont la toute dernière image est intéressante, même si elle pourrait "perturber" (c’est un bien grand mot) le public visé.
Puis vient la partie artistique entachée de fautes de mauvais goût en tous genre en terme de couleur, de maquillage, et de costume, que d’ignobles effets CG à pleurer d’effroi viennent achever de leur laideur quasi anachronique. Et j’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi avoir utilisé la mascotte des bières Kirin (avec un placement de produit au passage) pour servir de modèle à une créature apparaissant à deux moments du film.
Question conne...
Les personnages sont attachants, le bestiaire est varié, le contexte est intéressant, le folklore est fascinant, les acteurs s’en sortent plutôt pas mal (et les amateurs de cette tordue de Chiaki Kuriyama seront ravis de la retrouver dans le rôle d’une…tordue), la première partie est convaincante, et même la conclusion n’est pas dénuée d’intérêt ; alors on est vraiment en droit de se demander pourquoi Miike se tape une sieste pendant la deuxième moitié de son récit.
The Great Yokai War aurait pu être un grand classique pour enfant, ayant même pu se targuer de dégager un peu de cette aura malsaine des contes de fées si seulement son réalisateur (trop prolifique pour son bien) ne s’était pas barré en vacances scolaires en plein milieu.