Pitch : Deux jeunes personnes se rencontrent en soirée. Même leurs prénoms indiquent qu’ils sont faits pour s’aimer : Roméo et Juliette. Peu de temps après, ils s’aperçoivent que leur fils Adam est atteint d’un cancer.
Lire le résumé d’un tel film avant d’aller le voir au cinéma est dangereux : certes nous en apprenons le sujet, mais ni le genre ni l’ambiance générale de l’œuvre n’y sont indiqués. Ainsi nous redouterions un autre « le petit Prince a dit » (Christine Pascal, 92), film douloureux, effleurant le thème de la maladie chez l’enfant d’une manière résignée et insoutenable, comme si Lars Von Trier était passé par là.
Une fois le film visionné, on se rend compte à quel point ce second film de Donzelli est loin des préjugés qui prédominaient jadis, et à quel point les mots sont difficiles à trouver pour le caractériser. Le genre ? Un drame, bien sûr, étant donné le sujet… Pourtant certains auraient envie de marteler le terme dangereux de « comédie » jusqu’à ce qu’on le valide définitivement. Le spectateur, tantôt larmoyant, tantôt rigolard, passe d’une ambiance à l’autre tandis que les auteurs nous livrent avec envie un brin d’histoire qu’ils ont réellement vécu.
La guerre n’est donc pas seulement déclarée contre la tumeur d’Adam, elle est déclarée contre tout systématisme, toute idée préconçue, toute façon évasive de profiter de cette douce vie. D’ailleurs les deux personnages principaux sont des jeunes gauchistes très libres qui arrivent à gérer leurs énormes problèmes en même temps que les maladresses de leurs amis ou de leurs parents. Cette liberté est visible partout, en douceur : une liberté dans l’approche des symboles (tellement lourds parfois que cela devient onirique), dans la mise en scène, dans les élans d’émotion et de comédie. Liberté burlesque : quand le téléphone sonne, toutes les têtes se retournent en même temps. Liberté sonore : les musiques retentissent sans arrêt, de manière inopinée. Liberté esthétique : les couleurs jaillissent tout au long de l’œuvre, et même, lorsque les personnages prennent le train qui les conduit vers une destinée funeste, ils observent un arc-en-ciel par la fenêtre.
Il est donc évident que Donzelli et Elkaïm (co-auteur, compagnon du chemin de croix), font souffler un vent de « nouvelle vague » sur l’écran. Certains pourraient critiquer le jeu fragile des comédiens dans certaines séquences, mais l’ombre de Rohmer plane et ne rend que plus fort cet effet de style. La « nouvelle vague » transparaît aussi dans le choix des personnages jeunes et modernes, un montage stimulant, une voix off redondante…
Mais surtout, la liberté de création provient de la révolution occasionnée par l’appareil photo Canon Mark II. Car la caméra prend le métro, suit les personnages partout, elle est totalement décontractée. Si vous ne le savez pas encore : cet appareil photo possède un mode « film » qui permet d’obtenir des images de grande qualité pour un prix d’achat de 4000 euros. A titre de comparaison, sachez que la caméra numérique professionnelle utilisée, entre autres, par Soderbergh dans « Che » coûte environ 30 000 euros avec les accessoires. Voici donc une nouvelle aubaine pour tous les amateurs, ainsi que les réalisateurs professionnels amoureux de la rapidité d’exécution. Monte Hellman vient de réaliser son « Road to nowhere » avec trois de ces appareils, et même dans certaines grosses productions quelques séquences sont tournées avec (exemple : « Iron man 2 » !). Evidemment tout n’est pas rose, et, comme toute révolution, celle-ci aussi cache ses défauts. Même si les résultats sont étonnants, l’appareil n’en est pas au niveau de précision d’une caméra pellicule, et on peut regretter parfois un manque de finesse dans les contrastes, les nuances apportées à l’image. Il est aussi difficile de filmer des objets avec des motifs fins, comme des rayures, car les informations se mélangent et l’image peut « trembler » par endroits.
Les spectateurs attentifs peuvent remarquer à l’écran les effets causés par les défaillances de l’appareil, et il incombe au réalisateur de choisir entre facilité de création ou finesse esthétique. Dans le cas de « la guerre est déclarée », le choix s’avère totalement adapté, car cette liberté technique transparaît aussi dans l’histoire, dans les dialogues, dans ces petites chansons fredonnées quand on en a envie ; il s’agit de la liberté de créer, la liberté de ressentir.