Le boucher, les nazis et les communistes

Falk Harnack était un résistant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, aussi on ne saurait lui reprocher son mode d'action un peu bourrin pour critiquer dans l'immédiat-après-guerre, au début des années 1950, l'instrumentalisation des bourgeois ruinés au service du Troisième Reich. L'histoire se situe en 1934 et se focalise sur un couple de bouchers de Hambourg, subissant les effets de la crise économique sur leur commerce. Au bord de la faillite, le mari demande de l'aide à un ancien compagnon de la WW1, et ce dernier, SS, saute sur l'occasion : il a quatre communistes à faire exécuter et le bourreau étant tombé malade, il est dans la panade, d'autant plus que Hitler himself est censé passer en ville mais refuse de le faire tant que la besogne n'est pas effectuée. On lui propose donc de décapiter les prisonniers pour 2000 marks, ni plus ni moins.

"La Hache de Wandsbek" a les qualités de l'œuvre dénonciatrice, un pamphlet, mais en a aussi les limites. Le discours politique est réduit et le film se cantonne à des personnages assez creux (hormis peut-être ledit boucher), avec des caricatures de méchants nazis manipulateurs et des caricatures de gentils communistes opprimés. La configuration traduit une réalité du milieu des années 30, mais l'antagonisme est traité à la hache — hache éponyme qui dispose d'ailleurs d'une certaine aura dans le film, de par sa forme et son envergure autant que sa fonction, un objet d'horreur doublé d'une composante comique (humour noir) lorsque le couple cherche en vain à s'en débarrasser. Et disons aussi que la réalité historique n'est pas l'objet du film, il ne se sert de cet élément de contexte, sans subtilité donc, que comme un moyen d'aborder le reste.

On perçoit le film qu'aurait pu être une vision plus travaillée du même thème, avec des réactions moins mécaniques des personnages secondaires à chaque nouvelle péripétie (l'achat d'un nouveau frigo implique plein de nouveaux clients, la découverte des méfaits du boucher implique la perte de tous les clients, etc.). La culpabilité du protagoniste est traitée à la légère, sous prétexte qu'il serait un peu simplet. La rumeur qui se propage : très belle idée, elle aussi sous-exploitée. Même la dimension tragique du dernier temps, avec suicide de madame tandis que monsieur revend la hache aux nazis, n'est pas très perspicace. À noter que le film fut retiré des circuits de distribution à l'époque car il dépeignait un portrait trop nuancé et compatissant.