Plus de 15 ans après sa sortie, le 2nd long métrage (et avant dernier bon film) de Mathieu Kassovitz confirme qu'il passe bien l'épreuve du temps et que ceux qui voulaient le cataloguer uniquement comme un film "de banlieue" (sous-entendu un sous genre à sensation forcément lié à médiocre - ce que les autres films sur un thème proche n'ont d'ailleurs pas forcément démenti) doivent bien reconnaître que La Haine a aussi quelques qualités cinématographiques.
Dans sa construction, son rythme (lent mais pas gratuit), sa photo mais aussi dans la direction des personnages, on sent le travail maîtrisé et l'objectif atteint. Loin d'être un film sur les émeutes, c'est surtout un film sur l'exclusion, le choc des cultures, la perte des repères, la violence du quotidien et évidemment, une histoire d'amitié pudique, à l'image des quartiers dont sont issus les personnages.
Amusant de voir comment, 15 ans après, le langage et les attitudes ont changé : Hubert, Saïd et Vinz sont des lascars, ils traficotent, ils traînent et malgré la bavure et les émeutes, ils gardent la tête froide, ou quand les choses dégénèrent un peu, savent rester dans les limites du tolérable par la société. Il serait intéressant de voir comment pourrait être traité ce même sujet 15 ans après, 15 ans après encore plus d'ostracisation, de frustrations, d'injustices et d'abandons du système scolaire.
Toujours est-il que Kassovitz réalise un quasi sans faute, grâce à un tournage en immersion complète dans une cité de Chanteloup-les-Vignes (non sans quelques difficultés - cf. les bonus de l'édition anniversaire pour les 10 ans) et un casting impeccable. Sans parler de la BO, bien choisie et qui plonge le spectateur dans le film dès les premières secondes, dès que la basse ronflante du "Burnin & Lootin" des Wailers se met à se faire entendre, sur fond d'images d'émeutes. On n'en ressort qu'1h30 plus tard, en bouclant la boucle d'un cercle vicieux dont le temps nous a depuis montré qu'il n'allait pas en s'arrangeant.