Quand j'étais petit, j'avais un chien. Un beau chien. Il payait pas de mine, mais il était toujours là pour me remonter le moral. Pupuce qu'il s'appelait. Mes parents me l'avaient offert après que je me sois cassé le bras lors d'un accident de voiture à pédales. Une saleté de poteau m'avait refusé la priorité à droite, mais peu importe.
Jeune et plâtré, j'ai eu le droit de visiter un refuge pour choisir un chien. C'est là que j'ai vu Pupuce. Il bondissait, jappait, et respirait la joie de vivre. Tout ce dont mes parents pensaient que j'avais besoin. Alors on a emmené Pupuce.
Mon père n'aimait pas vraiment ce nom. Il préférait Radius, rapport à la fracture du bras, et je l'ai souvent entendu l'appeler Prépuce. Mais rapidement, Pupuce est devenu indispensable. La joie de vivre. Pendant quelques années.
Parce qu'un soir, en rentrant de l'école primaire, Pupuce n'était pas là pour m'accueillir. Pas de léchouilles, pas d'enthousiasme, pas d'aboiements. Pas d'amour.
J'ai vu ma mère les larmes aux yeux, et plus surprenant mon père également. J'ai tout de suite compris. Pour me consoler, mes parents m'expliquèrent que Pupuce était maintenant au paradis, une étoile dans le ciel, et qu'il gambadait librement.
Une étoile dans le ciel...
A compter de ce jour, je me glissai par la porte de derrière à la nuit tombée. Pour voir Pupuce. Et en voyant la balançoire, j'eus une idée. Prendre de l'élan pour sauter, et le rejoindre.
Combien de fois ai-je tenté ce saut improbable ? Combien de chutes, tantôt en avant, tantôt sur le dos ? Finalement, la gravité ainsi que mes muscles endoloris eurent raison de mes ambitions. Je resterais cloué au sol, loin de mon chien.
Bien des années plus tard, en regardant un film me vint une idée. Brillante, l'idée. Des ballons. Plein. Si lui peut faire voler une maison, qu'est-ce qui m'empêche de faire voler une personne ?
Alors j'ai commencé à rassembler les éléments pour mon improbable saut. Des ballons, de l'hélium, du courage. Je suis retourné vers la balançoire de mon enfance. J'ai repris les sauts, pour m'entraîner.
Aujourd'hui c'est le grand jour.
Des années que je peaufine ma technique. Je suis fin prêt. J'arrive Pupuce.
Et promis, cette fois rien ne pourra nous séparer.
Croix de bois, croix de fer.