Encore ! Voilà la seule conclusion possible à ces 80 minutes ébouriffantes de comédie, archétypales de la Lubitsch touch. Brillant, incroyablement rythmé, le récit invente ici une nouvelle exploration du couple dans son rapport à l’argent et au pouvoir, thèmes chers au cinéaste.
Les échanges entre le riche millionnaire et l’aristo désargentée (servis par des comédiens au top, what else ?) sont ciselés à la perfection : amour vache, screwball de luxe, le ping pong verbal est porté aux sommets. Un nombre impressionnant de scènes passent directement à la postérité : le baiser aux oignons, les coups de poings sur le menton, le baiser en camisole… Toute la folie amoureuse dans son versant comique est exploitée et rendue avec éclat.
On retrouve aussi avec bonheur un autre procédé classique chez Lubitsch, celui des mots clés. Rapidement, les running gag sur le pyjama, la baignoire de Louis XIV ou la Tchécoslovaquie instaurent une complicité profonde entre les protagonistes et le spectateur au profit de l’efficacité comique.
C’est enfin une réflexion audacieuse sur la guerre des sexes. Dans l’esprit retors des individus, gagner le cœur de l’autre revient à obtenir sa reddition, quitte à passer par le divorce. Les stratagèmes se multiplient, les mises en scènes s’échafaudent dans un univers finalement très théâtral. On rit de l’autre sans voir qu’on en est la dupe, on va chercher chez Shakespeare le courage de fesser son épouse ou l’on prévoit de faire boxer son mari. Improbables, entièrement construits sur les contrastes et l’insolite, les dialogues sont des chefs d’œuvre de densité et d’efficacité.
Satire du règne de l’argent, la huitième femme de bleue enchaine les preuves d’amour qui ne peuvent se faire sans la destruction d’un cadre, celui de la fortune, au profit du cœur.
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