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Un escalier en bois, une main qui tremble, une chambre trop blanche. Pas un bruit, ou si peu. Et voilà, Copenhague en 1918. L’Espérance est un bâtiment gris rempli de jeunes femmes "tombées", comme on disait alors. Parmi elles, Karoline. Blonde, enceinte, silencieuse. Elle vient accoucher, mais rien ne se passe comme prévu. Enfin... si, tout se passe comme prévu, mais pas pour elle.
La Jeune Femme à l’aiguille est un film qui s’ouvre comme une lettre qu’on n’a pas osé lire depuis des années. Son noir et blanc n’est pas là pour faire joli, c’est du granit – ou du plomb. Magnus von Horn, qu’on n’attendait pas forcément dans ce registre du drame historique, filme le mutisme comme d'autres filment des batailles : chaque regard est un coup, chaque plan un piège. On pense parfois à Dreyer, un peu à Haneke, et même, allez, à la sécheresse d’un tableau de Giacometti.
Certains spectateurs râlent : trop froid, trop lent, trop muet. Mais c’est justement ce silence qui hurle. Il dit la honte, l’exclusion, le contrôle. Trine Dyrholm, impériale, incarne Dagmar, cette infirmière-matronne faussement douce et rigoureusement effrayante. Elle sourit comme on ferme une porte à double tour. À ses côtés, Victoria Carmen Sonne (Karoline, donc) traverse le film comme une ombre lumineuse, qu’on voit s’effacer lentement. Une apparition… puis plus rien.
Musique sinistre qui appuie, pas de discours qui explique. Le spectateur, lui aussi, est laissé seul. C’est peut-être ça le pari : faire ressentir l’abandon autant que le raconter. Ceux qui s’attendent à un film à thèse seront déconcertés. Les autres – les rêveurs lucides, les lecteurs de Duras, les amateurs de silences pleins – y verront un uppercut au ralenti.
C’est un film qui ne vous prend pas par la main. Plutôt par l’estomac.
Un film comme une aiguille dans le cœur. À peine sentie. Et puis, ça saigne longtemps.