Un huis clos à trois personnages, comme dans le vaudeville, sauf que l’amant est ici remplacé par le bourreau… Sigourney Weaver, Ben Kingsley et Stuart Wilson jouent chacun leur partition (c’est le cas de le dire puisque le film est placé sous la référence de la musique classique) avec beaucoup de force et de talent. La réalisation de Polanski est comme toujours superbe et sa direction d’acteurs parfaite. Mais surtout le propos est magnifique et traité avec conviction et pertinence. À travers l’histoire terrible de la femme, les thèmes de la dictature et de la torture rejoignent peu à peu ceux de l’amour et de la haine qui peuvent unir un bourreau et sa victime dans cette violence du corps à corps, corps torturés et corps jouissant… Les rapports des trois personnages se croisent et s’entrecroisent dans une ambiguïté qui va croissant jusqu’à un dénouement d’une simplicité et d’une beauté peu communes. On doit reconnaître là sans aucun doute le poids de la tragédie personnelle de Polanski dont la femme a elle aussi été aux prises avec un « monstre » dans une maison isolée… Ce film est considéré généralement comme mineur dans sa filmographie et il s’agit à mon avis d’une injustice criante tant il est au sommet de son œuvre. Après le médiocre Frantic et le peu convaincant Lunes de fiel, La Jeune Fille et la Mort est inaugural de sa meilleure période, qui le verra enchaîner ensuite avec La Neuvième Porte et Le Pianiste (où il reviendra toutefois à des impératifs commerciaux qu’il n’a plus quittés depuis). Une virtuosité technique éblouissante mise au service d’un grand thème traité avec brio : on est au cœur de la définition du chef-d’œuvre.