♫ Et je m'envole... ♪

Le film commence par une libération : celle d'un animal majestueux, pour qui l'on consacre une dernière offrande. Comme un adieu, comme un remerciement pour les bons moments partagés et la fierté d'avoir vécu à ses côtés.

Cette première séquence est une véritable note d'intention. Car La Jeune Fille et son Aigle, c'est le récit de l'émancipation d'Aisholpan du carcan patriarcal de sa culture. Alors même que son papa, bienveillant, la supporte de manière inconditionnelle dans la voie qu'elle a choisie.

L'oeuvre ressemblerait au premier coup d'oeil à un documentaire des plus classiques célébrant la symbiose des temps reculés entre l'homme, pas encore totalement contaminé par le modernisme, et sa mère Nature. Elle s'avère cependant multiple, entremêlant avec grâce la magie des grands espaces, la fable, le récit initiatique et sportif, dans un mélange consacrant un art consommé du dosage, tout en allant droit à l'essentiel en moins de quatre vingt dix minutes.

La jeune Fille et son Aigle montre son héroïne se consacrer entièrement à sa passion et à son art, s'entraîner avec son partenaire ailé en vue de participer à un concours de dressage où elle sera la seule représentante du sexe faible inscrite. Défiant les obtus, les méfiants et les sceptiques. Dans différentes épreuves auxquelles la caméra et les images d'Otto Bell restituent tout le suspens et l'incroyable cinétique d'un animal gracieux chevauchant le vent.

A l'occasion de cette compétition, le réalisateur s'attarde sur les visages, les chevaux, les coutumes, les vêtements finement ouvragés et tissés. Comme il capture un moment d'intimité, avant celle-ci, où Aisholpan se vernit les ongles de manière maladroite comme toutes les filles de son âge, quelle que soit leur culture.

La steppe mongole n'aura peut être jamais paru aussi magique que dans ce film, tissant une aventure extraordinaire d'une jeune fille qui n'aspire qu'à vivre la vie qu'elle a choisie sans entrave. La Jeune Fille et son Aigle ne met en scène que cet idéal de manière honnête, humble et simple, dans une symphonie d'images tout aussi époustouflantes quand elles dépeignent le rapport à la nature et la majesté de cette dernière, que touchantes et tout simplement belles lorsqu'elles s'attardent sur la complicité partagée entre la petite héroïne, son père et l'oiseau qu'elle éduque et guide par sa seule gestuelle et sa seule voix.

Une héroïne qui se dépasse, qui évolue, qui grandit, qui surmonte tant ses propres limites que celles imposées par les générations précédentes et le poids des traditions. Aisholpan transcende sa condition, comme La Jeune Fille et son Aigle ne se sent jamais obligé d'affirmer son message.

Soit le contraire d'un concept agressif et d'un autre âge.

Soit le contraire de la démarche de producteurs et de responsables marketing cyniques nous faisant prendre les vessies d'une super héroïne qui ne se définit que par le mâle, ou d'un lamentable casse small teuf de voleuses botoxées, pour les lanternes d'un progressisme artificiel.

Aisholpan, toute jeune femme de treize ans qu'elle est, nous rappelle avec la simplicité propre à son âge que le féminisme n'est pas une égalité, mais bien plus. Le dépassement, par son abnégation et sa force de caractère, de la bêtise et des interdits posés par ceux qui nous empêchent de pleinement nous accomplir et nous réaliser.

Behind_the_Mask, qui passe et qui rapace.