La Joie de vivre
6.6
La Joie de vivre

Téléfilm de Jean-Pierre Améris (2011)

Pauline fille du boucher Quenu et de Lisa Macquart, orpheline à 10 ans, est recueillie par ses cousins bourgeois, les Chanteau, ruinés, qui trouvent là l'occasion de se rassurer de la fortune que la jeune fille possède. Adapté du roman de Zola, (1884) le metteur en scène occulte quelques traits bien plus sombres (morts multiples et portrait de la misère) mais dote sa mise en scène d'une violence sourde mettant en exergue la difficulté d'être et d'aimer. La joie de vivre tient plutôt de l'ironie. Tout est affaire de souffrance, morale ou physique. Celle de Pauline et de sa solitude, celle de l'oncle handicapé, celle de la tante frustrée d'une vie non désirée et qui contractera une maladie opaque, et celle des villageois pauvres et soumis aux dégâts de leur habitations détruites par les marées et évidemment celle de Lazare, jeune homme torturé et instable, lecteur de Schopenhauer, s'enthousiasmant à chaque nouvelle idée pour s'assurer un avenir, qui donnera lieu à une autre, faute de réussite, survolant sa vie aux rêves de grands voyages qu'il n'entreprendra jamais. Musicien, étudiant en médecine, ingénieur, banquier, attaché à Pauline sans être à ses côtés, faible aux envolées optimistes mais fugaces, et pourtant être aimé envers et contre tout.


Pauline n'aura de cesse de se sauvegarder dans l'image bienfaitrice qu'elle apporte, quitte à s'y perdre pour le bonheur de son cousin, dont elle s'éprend dès son plus jeune âge, adepte du sacrifice, en toute bonté, toujours. Pour son oncle qui se raccroche à la seule bonne âme de cette maison, pour Louise, nouvelle lubie de Lazare, lui laissant l'épouser et pour sa tante manipulatrice, répondant à ses demandes d'argent et qui pourtant développera à l'encontre de sa nièce une haine tenace, en réponse à sa générosité. L'argent, la cupidité et l'hypocrisie de ces familles qui ne souffrent pas d'être mises au rebut, et le cercle vicieux qui en découlera. Le cinéaste malgré la courte durée, arrive à rendre de manière subtile les affres de tout ce petit monde, même si les traits peuvent paraître si ce n'est poussifs particulièrement déprimants et de sagesse avérée on y verra une abnégation non feinte à laquelle se heurtera le médecin impuissant, souhaitant voir Pauline se défaire de cette famille.


Le film tient sans nul doute à cette destinée sans espoir, freinée constamment dans son épanouissement et sacrifiée à l'égoïsme de ceux qui entourent Pauline, mais aussi aux échanges passionnés et aux sursauts qui en découlent permettant de suivre cette romance avortée. Les décors tiennent une grande place et sont si bien rendus mettant en valeur l'environnement escarpé de la Normandie et de ses tons particuliers, les intérieurs à l'ambiance souvent lourde, apportant une touche de drame feutré à chaque plan, ou encore cette mer déchaînée propice aux rêveries et métaphore des sentiments de Pauline, qui sont brillamment renforcés par la luminosité portée par son personnage. Les jeux impeccables des acteurs, et de Swan Arlaud qui excelle dans ce portrait ombrageux à l'instar de  Une vie de Stéphane Brizé, apporte toute la contradiction d'une jeunesse en plein désarroi et renvoie à ces héros romantiques aux caractères contraires, de l'énergie vitale, à la pensée mortifère qui ne peuvent être que voués à l'échec.

limma
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le 6 mai 2019

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