Bon disons-le tout net : il faut prendre le film comme un bébé qui vient au monde : tout ridé ! Cela dit, quelle bonne idée a eu "Arte" de nous le ressortir début avril 2019 après une autre vieillerie intéressante : "Le Désordre et la Nuit". Bravo !
C'est le deuxième scénario d'Irwin Haw pour le cinéma, (associé à Sidney Buchman) bien connus, mais cette histoire ne nous fera pas grimper aux rideaux, ni dégringoler les gouttières. Comme c'est le cas pour ce prisonnier qui s'évade de prison avec une facilité déconcertante ! On est loin des quartiers de haute sécurité ! En plus c'est long, très long d'autant qu'on tourne ce vaudeville à trois beaucoup trop en studios !
Quant aux extérieurs, ils me font toujours sourire : quand on voit un chauffeur dans sa voiture, les vues qu'on aperçoit du paysage à travers les vitres ne sont jamais en adéquation avec la conduite du pilote. Même avec Hitchcock pourtant perfectionniste, on n'est pas dupes une seule seconde de cette bizarrerie chronique à l'époque. Ici, si le chauffeur type " Y'a bon Banania" et ses "missiés" avait "branlé" le volant de cette manière, la voiture aurait tangué et se serait retournée comme le Titanc avant son naufrage ! Plus surprenant, la voiture de cette cavale avait devancé notre époque robotisée : elle conduit toute seule : en effet, on voit qu'elle tourne alors que le chauffeur n'agit pas sur la direction (!). Mais bon, ne soyons pas trop tatillons... On finit même par s'amuser de toutes ces invraisemblances comme la meute de chiens qui n'arrive pas à rattraper un bipède fuyard ! Les cerfs auraient-ils leur chance dans les chasses à courre ?... Et ces mêmes chiens flairant une piste plusieurs jours après : quelle est donc leur race ?
Mais bon, ce récit un peu polar, un peu fleur bleue, un peu justicier est loin d'être déplaisant quand à son terme s'inscrit le mot fin... On reste confondus de découvrir qu'en 1940, le seul crime attribué à un individu que toutes les polices recherchent et qui est à la une (avec photo) des quotidiens n'est que soupçonné d'avoir mis le feu à l'entreprise Holmes : bien peu de choses en réalité mon cher Watson, non ? On me rétorquera que Victor Hugo bien auparavant avait envoyé Jean Valjean au bagne pour moins que ça : un simple vol de pain !
On sent toute l'humanité du réalisateur : George Stevens, dont on disait le plus grand bien. Et un humour un peu burlesque façon Laurel et Hardy. Pas étonnant : le réalisateur en a tourné certains épisodes.
Et puis reconnaissons-le : je n'étais pas fâché de découvrir une prestation de Cary Grant encore bien jeune, et avant qu'il ne devienne l'acteur fétiche et plus âgé du grand Alfred. Ses mimiques sont les mêmes, cette espèce de ton flegmatique avec lequel il entre dans ses rôles aussi. Un peu comme Vincent Lacoste dans ses textes, de nos jours.
De son côté, Jean Arthur donne le change : qui croirait qu'elle a tourné ce rôle de jeune future promise à 42 balais ! Elle cabotine avec élégance et à la mode de l'époque : un régal. D'autant plus surprenant que ce film a été tourné alors qu'on était en période de seconde guerre mondiale... Un regret, le doublage son est à la limite du supportable à certains moments (une restauration ratée ?) et Dora parle comme un 33 tours qui serait lu à 45...
Mais au final, compte-tenu de l'époque c'était très bien !
Arte le 08.04.2019