Premier film officiellement estampillé Ronny Yu (même s'il avait déjà partagé la caméra avant), The Saviour assume ses inspirations américaines sans perdre sa nature hongkongaise. On y suit l'inspecteur Harry, heu non, Tong, qui flingue ses suspects, clope à tout-va, doit se fader un nouveau partenaire, enquête sur un tueur de prostitués et parraine à ses heures perdues un gamin victime de harcèlement (ce qui l'amuse beaucoup, surtout quand son protégé se pointe avec un double cocard). La réalisation frappe d'emblée par son enthousiasme, entre accélération du rythme, plans astucieux (le lavage du couteau ensanglanté filmé du fond de l'évier) et photographie nocturne parfois splendide. L'inspecteur nous promène dans les bas-fonds, barres HLM locales et petits appartements à demoiselles en location (un lien frappant avec le récent Mad Fate qui semble indiquer que cette industrie n'a pas évolué en 40 ans).
Bon, le récit est monté de manière bordélique mais cela renforce la côté galère de l'enquête. Dommage que le film s'embourbe après la révélation de l'identité du tueur qu'il faut pourtant réussir à inculper, quitte à employer des stratégies borderlines et surtout trop longuettes. La fin est également décevante par son caractère expédié. Arnaud Lanuque nous apprend en bonus que ce n'était pas celle souhaitée par Ronny Yu, son idée initiale étant jugée trop subversive. Julien Sévéon revient lui sur la bio et la filmo du réalisateur, pur autodidacte qui a vraiment appris sur le tas, son côté toutche-à-tout et ses références cinéphiliques occidentales favorisées par ses études aux USA.
À retenir le plus beau placement produit Gilette lors d'un suicide par auto-égorgement et le doublage d'époque (sorti sous le titre La Justice d'un flic) à la francisation digne des Inconnus d'une ribambelle de gamins de 5 ans tous nommément cités (vive les Barnané, les Jean-François et les Claude).