Quand un film est autant acclamé par la critique, que sur l'affiche est marqué "Un triomphe absolu", "Le meilleur film de l'année" (alors qu'on est en janvier hum hum...), "Impossible de ne pas aimer", etc., qu'il s'appelle La La Land (fallait oser quand même) et que c'est une comédie musicale, on est en droit de se méfier. Quand malgré nous l'impatience monte, que la bande annonce nous présente un film qui paraît osé dans sa forme, on a peur d'être déçu. La La Land, c'est un film qu'on a peur de ne pas aimer parce qu'il semble démesuré, qu'il bénéficie d'un casting en or et que Damien Chazelle est à la réalisation.
Le scénario peut apparaître comme banal aux premiers abords. Il aborde en effet une thématique déjà vue qui est celle du rêve et du "retour à la réalité". On a tous un rêve qu'on voudrait réaliser, on est prêt à tout laisser tomber sur un coup de tête mais un jour on abandonne cette idée folle "parce qu'il faut grandir", n'est-ce pas ? La La Land c'est exactement ça. Malgré un thème peu original et un fil narratif qui semble simple et sans surprise, tout est fait de façon intelligente et surtout de façon complètement folle. Et puis Damien Chazelle arrive à nous surprendre.
Cette intelligence est présente dans la façon d'aborder le thème du rêve mais aussi du renouvellement d'un art. Ici Chazelle nous parle - sans surprise - du jazz à travers le personnage de Sebastian qui est amoureux de ce genre musical et qui voudrait le remettre à la mode. Il est confronté au personnage de John Legend qui pense que le renouvellement d'un genre se fait en le modernisant et en le modifiant. On peut ainsi étendre ce questionnement au genre de la comédie musicale et à d'autres formes d'art : comment renouveler un genre sans le dénaturer mais en y apportant tout de même quelque chose ?
Quant à la folie on la retrouve à travers les personnages (notamment celui d'Emma Stone), à travers les danses, les chansons, la mise en scène, etc. On a du mal à y croire lorsque le film s'ouvre sur des personnes coincées dans un embouteillage qui se mettent à danser et chanter sur leur voiture. C'est incroyablement fou et osé !
Mais il n'y a pas que ça. On a aussi affaire à une comédie musicale belle et touchante. Et cela sans jamais tomber dans le niais, le ridicule ou quelque chose de mièvre. On s'attache aux deux protagonistes et à leur histoire. Belle aussi à travers son morceau "City of Stars".
En plus de tout cela il y a évidemment des références aux plus grandes comédies musicales comme Singin' in the rain, West Side Story, etc. Mais le film ne fait pas seulement les imiter bêtement : il les prend intelligemment à contre-pied trompant ainsi l'attente du spectateur. Le film s'amuse à jouer avec nos attentes à plusieurs reprises. C'est notamment le cas du passage où la chanson "Someone in the Crowd" est chantée, il peut en effet faire penser à la scène dans West Side Story où Maria essaye sa robe blanche juste avant le bal dans lequel elle rencontre Tony (ou à la scène où elle chante "I Feel Pretty" en essayant des tenues).
A ce moment là on se dit que Mia va rencontrer Sebastian à la soirée à laquelle elle se rend, qu'ils vont avoir un coup de foudre l'un pour l'autre... ce qui n'est pas le cas.
Le film surprend aussi avec son rapport au temps. Il semble s'ancrer dans une époque antérieure à la nôtre avec les robes aux couleurs éclatantes, les danses, le design de la voiture de Sebastian et pourtant il se déroule à notre époque. Ainsi tout semble possible et inimaginable.
Lorsque "5 ans plus tard" s'affiche à l'écran nous sommes ramenés à une réalité dans laquelle Mia porte une robe noire et blanche, une réalité filmée sans originalité. Tout d'un coup tout devient normal : un embouteillage dans la nuit sans danse et sans chanson, l'entrée dans un bar qui ne se fait pas totalement au hasard.
La fin nous offre un dernier rêve qu'on savoure tant on le voudrait réel et nous fait ressortir du film la gorge serrée.
La La Land est une histoire belle, simple, touchante, émouvante, triste, ensoleillée et pleine de vie et d'espoir avec une superbe bande originale. C'est une déclaration d'amour au cinéma. On aimerait que Mia et Sebastian ne s'arrêtent jamais de danser.