Suite au succès de « Whiplash », l’américain Damien Chazelle semble avoir trouvé la meilleure partition à nous présenter, en ce début d’année 2017.
La patte du metteur en scène est toujours aussi affutée, car son mouvement de caméra évolue au stade géométrique et rythmique. Ce point de vue est immersif nous conviant à sa propre chorégraphie dans les placements. Le tout premier plan séquence en témoigne et annonce ainsi les couleurs du film. Mais attention, car on peut noter quelques instants de négligence dans l’utilisation du 35 mm anamorphique, rendant certains plans rapprochés ou trop brusques un peu flous !
Toute notre attention va au couple Sebastian-Mia, respectivement interprétés par Ryan Gosling et Emma Stone. A travers une romance enjoncée d’un décor californien de premier ordre, le film s’approprie le cœur même de sa production en s’y installant. L’amour et la vie fait débat dans cette complicité à la fois tendre et sensible. Il suffit étonnement de cinq actes distincts pour le prouver et le pari est réussi. Nul besoin de doublure, ces deux phénomènes portent ainsi le talent de leur personnage qu’ils se sont efforcé d’empoigner dans une préparation exaltante.
Par ailleurs, on pourra noter le premier pas à l’écran de John Legend et un cameo subtil, voire nostalgique, de J.K. Simmons. Et si l’on reste suffisamment attentif, on pourrait percevoir des nuances, directement inspirées du français Jacques Demy. « Les Parapluies de Cherbourg » ainsi que « Les Demoiselles de Rochefort » apporte le mixage coloré à la partition, pour ne citer qu’eux. Dans « Moulin Rouge », on y attache davantage de sens dans les teintes sombres, sans pour autant affecter les justifications scénaristiques. Les couleurs ont une narration particulière, servant d’intermédiaire direct avec le spectateur. On les associe principalement à Mia qui évolue dans un rêve, malgré l’avancée décalé de Sébastian. Ce dernier évoque son état de pureté, via un blanc éclatant. On comprend rapidement ce qui en découle sur ses motivations personnelles. Pour la jeune Mia, c’est plus complexe mais vif dans la compréhension des transitions dont elle fait souvent l’objet.
Chacun se cherche dans un vie fragmentée de dilemmes et se piègent et dans leur confort romantique, qui ne leur laisse comme unique choix de sauter le pas entre deux opportunités. Leur identité véritable reste alors très visuel que l’on n’efface pas avec les chansons, plus explicite dans l’intégrité de leur passion.
On oscille ici entre le moderne et la conservation du Jazz, puis de la poésie d’une actrice en voie de réussite. Ce genre musical se parodie, tout comme l’acharnement de l’actrice dans son engagement. Cette morale reste passionnelle, renouant avec nostalgie les travaux d’une vie qui cherche elle-même son identité au cœur du fléau qu’il représente à chacun.
Et au-delà de la performance des stars, il ne faudrait pas négliger un autre duo essentiel dans des choix artistiques déterminants. En effet, le réalisateur accompagné de son fidèle compositeur de longue date Justin Hurwitz, ont mis en scène cette excellente comédie musicale. On pourrait s’y méprendre mais il s’agit bel et bien de « leur » œuvre. Chaque partition apporte une note importante de l’histoire qu’on ne pourrait mieux conter que par une élégance gestuelle. Le flirt entre innovation et l’hommage est accompli et Hollywood ne peut que se féliciter pour cette merveille.
Pour enfin conclure, ce majestueux « La La Land » est si jouissif pour les sens que l’on ne décroche pas une seconde. On délecte chaque chorégraphie, on boit chaque note et parole, et on s’immerge avec stupéfaction dans ce décor coloré et vivant ! Ces 14 nominations aux Oscars ne sont pas déméritées et on croit durement au juste retour des trophées.
Si ces mots ne suffisent pas à convaincre le spectateur sceptique ou non adepte du genre, il ne reste qu’à tenter l’expérience, garantissant tout de même un agréable méli-mélo émotionnel et visuel.