Bien souvent quand je regarde une comédie musicale, je me dis que le film serait bien meilleur et plus supportable sans ses chansons ringardes. J'ai un problème avec le concept même d'un film où tout le monde va se mettre à chanter et à danser sur une chorégraphie parfaitement préparée, à chaque fois ça me fait sortir de l'histoire en me rappelant que je suis devant un film et que cela n'a rien de réel. Alors pour quelles raisons est-ce que La La Land a fonctionné sur moi en dehors de la débauche incroyable de talents en tout genre impliqués dans le projet ?
Est-ce que c'est beau, touchant et drôle ? Oui mais pas seulement.
Le genre est utilisé pour rendre hommage mais aussi porter un regard critique sur le rêve hollywoodien et tout son côté artificiel. Le film parvient à nous emporter dans ses élans de jazz avec son visuel qui en met plein la vue et son duo de charme pour finalement nous rappeler que la vie à Hollywood ou partout ailleurs n'est PAS une comédie musicale. C'est une jolie mise en abyme, c'est une comédie musicale qui nous parle de comédies musicales. Les références sont nombreuses, de Chantons sous la pluie à West Side Story en passant par Un Américain à Paris et les films de Jacques Demy pour ne citer qu'eux. Le réalisateur déclare son amour aux films musicaux en nous les montrant comme des moyens d'évasion dans des lieux ou le réel n'a PAS lieu d'être, tout comme les personnages s'enfuient dans leurs rêves. Voilà à quoi sert une comédie musicale, à s'évader le temps de quelques chansons et c'est exactement ce que nous propose en plus La La Land avec beaucoup de talent. Le titre est très bien choisi puisque l'expression désigne non seulement le quartier le plus célèbre de Los Angeles mais aussi le fait d'être déconnecté de la réalité.
Malgré les rappels à cette réalité qui donne du fond à l'oeuvre, on en ressort avec le sourire car il en découle un message très positif évitant (le plus souvent) toutes niaiseries. Certes la trame scénaristique en elle-même n'est pas des plus originales et ressemble à n'importe quelle comédie romantique mais elle n'avait rarement été mise en scène avec autant de classe. Ça déborde de détails, de couleurs et de jeux de lumières sans en faire trop comme dans un film de Baz Luhrmann par exemple. Même les passages musicaux sont bien dosés et n'envahissent pas totalement le film. Je ne raffole pas de toutes les chansons mais City of Stars est effectivement très belle et reflète parfaitement l'esprit du film. Comme l'était déjà l'excellent Whiplash, c'est un hommage puissant, intense à la musique (et au jazz particulièrement) mais aussi au cinéma citant ses classiques musicaux mais aussi des plus récents comme Tout le monde dit I Love You de Woody Allen pour qui Emma Stone a déjà joué à deux reprises. Il y a d'ailleurs quelques très bons dialogues dignes du new-yorkais qui n'aurait pas non plus renier l'ambiance jazzy.
Côté casting, parlons de la belle Emma, c'est elle qui illumine clairement l'écran (Ryan Gosling est bon aussi mais c'est moins flagrant). Elle trouve ici son meilleur rôle (avec celui de Birdman, autre film s'interrogeant sur son propre genre) et sa deuxième exploration d'un univers musical après ses prestations saluées par les critiques et le public à Broadway dans le revival de Cabaret. C'est une actrice que j'apprécie beaucoup personnellement depuis ses débuts et l'envol de sa carrière ces dernières années me fait très plaisir.
Alors le défi de Damien Chazelle de réconcilier certains cinéphiles tel que moi avec les comédies musicales est-il réussi ? Pour moi, je dirais oui. Je comprends mieux leur intérêt même si ça reste définitivement pas pour moi. Ce n'est pas le genre de film qu'il me faut pour m'évader... à moins bien sûr d'être aussi grandiose que ce La La Land. Bref je vous recommande ce film que vous soyez ou non amateur de comédie musicale. J'avais presque envie d'être déçu par le film pour me conformer dans mon idée que les comédies musicales sont forcément nulles et ne pas rentrer dans le moule mais je me suis fait attrapé comme tout le monde. Je trouve pour une fois, la hype assez justifiée.