Entre rêve et réalité, l'équilibre retrouvé

Sur la Seine, je plonge. Pour m'immerger, être vu par le monde
Froideur du fond rappelant le froid spatial, près des étoiles
Bientôt conscient, je glisse vers la mort, et en ressort par un rêve
Dans ce monde, je n'existe plus qu'aux yeux de ceux qui me regardent


Sur une affiche, dans un bar, les rêves n'existent que dans nos têtes
Une vie rangée, un amour hantant qui revient comme pour Bogart
Que dans nos têtes, c'est vrai. Sur un écran de cinéma, peut-être ?
Ou plutôt derrière, là où les choix sont à faire. Là où est l'art.


Là sont les étoiles. Plus brillantes que celles du ciel que l'on voit
Leur reflet dans ces deux yeux ont nourri son envie de les atteindre
Car le rêve fait partie d'un mystère, permettant de se demander : Et si ?
L'espace d'un instant, refaire sa vie, pour mieux repartir


.


Dans la mise en scène de Damien Chazelle, chaque détail est analysable, non pas dans leur intention de rediriger vers une nouvelle idée, mais bien dans leur capacité à appliquer au spectateur l’émotion qui envahit les personnages. Chez Chazelle, le film commence par faire vivre l’émotion pleinement, et dans un second temps seulement va créer une idée concrète. Ainsi l’émotion précède la raison. En d’autres mots, on ne raisonne pas pour savoir quoi ressentir, mais on commence par ressentir, et on se pose ensuite la question de la signification de cette émotion. Une façon de remettre l’affect au centre de l’existence, ou comment raisonner logiquement avec son cœur. Un anti-intellectualisme qui n’empêche pas de réfléchir.


C’est là la principale raison pour laquelle le réalisateur est si apprécié par tous les publics : son œuvre se passe d’analyse pour être comprise. On pourrait alors penser que les mots sont impuissants face aux sensations proposées. Sauf qu’il ne s’agira pas pour moi avec ce texte de décrire avec exactitude le sentiment dégagé par La La Land, mais plutôt, par l’analyse, d’explorer l’émotion complexe qui surgit lors de son visionnage pour mieux la comprendre. Après seulement pourra-t-on s’interroger sur le sens, non pas de l’œuvre, mais de l’émotion qu’elle dégage. Car ici, comme souvent avec le grand cinéma, les réponses aux questionnements du film se situent dans l’expérience qu’on en fait.



Deux regards se croisent pour trouver l’équilibre



Whiplash, le précédent film de Damien Chazelle, se terminait dans une extase. Andrew Neiman et Terence Fletcher, après avoir cherché un équilibre dans leur relation durant 90 minutes, le trouvait dans la scène finale du film et son solo de batterie exceptionnel. Pour illustrer cette idée d’équilibre, le réalisateur choisissait de relier les deux personnages dans un même plan en utilisant des panoramiques foudroyants. Andrew et Terence avaient alors chacun leur propre espace dans le champ de la caméra, sans risque que l’un ne vienne empiéter sur l’espace de l’autre. Ainsi, ils abandonnaient leurs ambitions de domination pour enfin laisser vivre leur partenaire, tout en le nourrissant de leur génie respectif afin de s’élever, ensemble.


Dans La La Land, on retrouve ce même procédé de panoramiques entre les deux personnages principaux, Mia et Sebastian, avec cependant une différence fondamentale : l’équilibre trouvé par le duo n’arrive pas en fin de film, mais au milieu. Pour Chazelle, cet équilibre n’est plus une finalité, et la réalisation de ce fait l’amènera à considérer ce qui faisait cruellement défaut à Whiplash : la question de l’après. On est tout de même en droit de se demander ce qui est arrivé à Andrew suite à sa prestation prodigieuse. Destin légendaire ou tragique ? Que l’on considère la dernière scène de Whiplash comme une fin ouverte ou comme une facilité, le réalisateur tente avec son nouveau film de nous répondre en regardant au-delà du générique de fin.


Dans cette optique de faire passer l’émotion avant la raison, Chazelle personnifie les deux pôles de l’artiste, honnêteté de la démarche et reconnaissance du public, pour en sortir une relation amoureuse. Bien ignorant, le spectateur se laissera bercer par ce couple dans l’espoir qu’un jour leur amour devienne éternel, sans savoir que c’est pour la résolution d’un conflit tout à fait personnel qu’il souhaite cela. Souhaiter qu’un jour, nos convictions les plus intimes rencontrent une reconnaissance universelle. Souhaiter qu’un jour, la passion bouillonnante et hermétique de Sebastian ne fasse qu’une avec le désir de reconnaissance de Mia. Ainsi, avant leur rencontre, Sebastian écoute les mêmes notes de Thelonious Monk en boucle pour se couper du reste du monde, tandis que Mia enchaine les auditions pour tenter d’attirer l’attention. Chacun essaiera de redéfinir ses ambitions en prenant exemple sur celles de l’autre pour enfin obtenir cet équilibre, des premiers contacts manqués en début de film jusqu’aux panoramiques de la caméra au milieu. Réaliser le rêve de tout artiste en deviendrait presque simple : Sebastian, qui a la reconnaissance de lui-même, va chercher celle des autres en intégrant un groupe de pop, et Mia, qui cherche l’approbation de son identité par le regard des autres, va chercher à leur imposer cette identité par l’écriture.


Le nom « Someone in the crowd » donné dans la chanson du même nom à celui qui doit sauver Mia de l’oubli est double. Il tient à la fois de la peur de Mia de n’être qu’un individu perdu dans la masse (elle se dit à elle-même : « Is someone in the crowd the only thing you really see? »), mais également de sa peur de devoir être sauvée par une tierce personne plutôt que par elle-même (la foule lui dit : « Someone in the crowd could be the one you need to know »). Toute la contradiction de la figure de l’artiste selon Chazelle est dans ce double-sens : pour devenir quelqu’un, plutôt que quelqu’un dans la foule, il faudrait compromettre son identité. Pour la faire jaillir à la face du monde comme tout artiste ambitionne de le faire, il faudrait la modifier. Face à ce paradoxe, difficile d’imaginer un idéal possible dans l’équilibre des deux pôles de l’artiste, et donc du couple. Passée l’euphorie, Mia et Sebastian prendront conscience du caractère illusoire de cette manière de fonctionner. Mia par l’échec de sa pièce, et Sebastian par l’abandon de son ambition créatrice. Mais avant tout, priorité à l’émotion oblige, par l’échec de leur couple.


Pourtant, comment oublier ce regard final entre les deux artistes ? Ce déchirement doux-amer, et le léger hochement de tête de chacun indiquant que, oui, l’équilibre a enfin été trouvé ? Cette notion de juste milieu serait donc tout à fait concrète, et non un fantasme à jamais hors d'atteinte. Il s’agira pour nos deux amoureux d’abandonner leurs ambitions les plus démesurées, pour enfin se remettre en phase avec la réalité en la regardant dans les yeux, plutôt que de tenter par tous les moyens d’y échapper. C’est pour Sebastian l’abandon de son envie de voir un jour le jazz ressusciter dans sa forme la plus légendaire (il dira à propos de la faible fréquentation de son club « not so bad is great »), et c’est pour Mia l’abandon de ses envies d’auteure (jusqu’ici elle portait soit du bleu vif pour affirmer son identité, soit du blanc pour son acceptation de se conformer à ce qu’on attend d’elle, mais elle finira le film dans un pull bleu pâle mélangeant les deux couleurs pour obtenir celle du compromis).


Puis un mot d’adieu : « I’m always gonna love you ». Il ne s’agit donc pas d’arrêter d’aimer, et encore moins d’arrêter de rêver. Mia, en notant après ce mot d’adieu qu’elle voit clairement le Griffith Park pour la première fois en y venant en plein jour, prend conscience de sa nouvelle lucidité sur la nature de son rêve. Une lucidité que l’on pourrait considérer comme cynique, mais qui ici se fait salvatrice. Au film de prendre le relais pour communiquer au spectateur cette idée par un simple regard en fin de métrage : le rêve et la réalité ne sont pas en conflit, mais se nourrissent l’un l’autre, et ainsi s’élèvent, ensemble.



Le temps, sculpteur des passions



L’imaginaire lié au cinéma prend dans La La Land une place primordiale, du scénario à la psychologie des personnages, jusque dans la manière qu’a le public d’aborder le film. Les références aux comédies musicales font appel aux sentiments les plus oniriques pour le spectateur, tandis que les films dramatiques de l’envers du décor détruiront ce sentiment. Gene Kelly ou Fred Astaire en garants du cinéma comme puissant outil d’oubli de la réalité pour entrer entièrement dans le rêve, et Vertigo ou Mulholland Drive pour le trajet inverse, passer du rêve à la réalité de manière brutale. Et pour faire le lien entre les deux, Jacques Demy, et son optimisme teinté de mélancolie sur la capacité du cinéma à faire rêver son auditoire.


Pour mettre le spectateur dans les bonnes dispositions et l’aider à suivre le même cheminement émotionnel que les personnages du film (émotion avant tout, toujours !), Chazelle commence son film avec une scène qui sonne comme un rappel de cette capacité à rêver. Les premières secondes montrent les bandes noires s’écarter pour révéler la splendeur du logo Cinemascope, mis en parallèle grâce à un fondu enchaîné avec un soleil resplendissant. Un rayonnement total, Absolu à atteindre pour enfin apaiser ce besoin de gloire et de fortune. Les paroles du morceau Another Day of Sun l’expliquent plus clairement: « It called me to be on that screen », « I did what I had to do, cause I just knew » ou encore « He’ll see my face and think about how he used to know me ». Le plan séquence unifie les corps dont les danses et les costumes colorés investissent entièrement l’écran dans un jeu de questions/réponses donnant à voir dans sa pleine mesure le fantasme de la connexion à l’autre. Le temps d’une scène, et avant de se séparer en deux entités (les deux personnages principaux), le film dégage un sentiment d’unité qui rappellera le spectateur à ses souvenirs les plus tendres envers le monde cinématographique dans son illusion la plus grandiose.


C’est grâce à l’embouteillage, parenthèse temporelle dans des vies trop mornes, que ces personnages pourront vivre leur fantasme musical et dansant introduisant le film. Avec ce bouchon, Chazelle définit l’intemporalité comme condition nécessaire à l’accomplissement de cette unité, de ce sentiment d’absolu. Les références à l’âge d’or d’Hollywood n’en sont que plus pertinentes : on ne compte plus le nombre de fois où l’on a qualifié des films comme Casablanca ou Singing in the Rain d’intemporel, et les légendes vénérées par Mia et Sebastian semblent bien dans l’incapacité de mourir un jour. Par ailleurs, il ne s’agit pas dans le morceau de la scène d’avoir un jour de soleil, mais bien un autre jour de soleil, et ceci à l’infini. Comme dit dans la chanson : « I hear them everyday. The rythms in the canyons that will never fade away ».


Il s’agira donc pour Mia et Sebastian comme pour le spectateur durant les deux heures du film de lutter contre ce temps qui vient épuiser toutes les passions. Cela se traduira sur la pellicule par la recherche d’une romance idéalisée, fantasme assurément cinématographique dans l’inconscient collectif, où l’on tombe amoureux en un éclair et où l’on s’aime et l’on s’admire au point de faire croire qu’un Amour véritable et sans nuage puisse exister aussi longtemps que souhaité. La réalité viendra stopper à plusieurs reprises notre futur couple quelques secondes avant le baiser devant donner vie à cette image du Grand Amour, actant le passage de la réalité au rêve. C’est d’abord visible dans la première scène, où l’embouteillage, d’abord outil de libération, deviendra une fois la danse terminée tout ce qu’il y a de plus réel et stressant, la musique mélodieuse laissant place à la cacophonie des klaxons. Emma Stone et Ryan Gosling peinent à atteindre les sommets dansants de Gene Kelly ou chantants de Sinatra, les rendant si touchants dans leur incapacité à atteindre cet idéal. Mais les meilleurs exemples restent ceux qui rappelleront au public leurs pires souvenirs de visionnage en salle : on se fait bousculer alors que l’on est encore bouleversé par une œuvre, un téléphone sonne pour interrompre une scène, ou encore une pellicule s’enflamme durant le film pour les plus vétérans de la salle sombre.


La réalité viendrait donc écraser les rêves de nos protagonistes de manière brutale dès que leur envie de vivre quelque chose de plus grand se ferait un peu trop insistante. Pourtant, on l’a dit, Mia et Sebastian finiront par obtenir en milieu de film avec les panoramiques de la caméra un équilibre qui ressemble en tout point à ce qu’ils souhaitaient vivre, le juste milieu entre nouveauté et lassitude. En faisant le déplacement littéral du cinéma à la réalité, de l’observatoire Griffith de Rebel Without a Cause à l’observatoire Griffith de la diégèse du film, c’est la lucidité qui est déterminée comme condition nécessaire pour trouver ce juste milieu. Ainsi est mis en avant le caractère superficiel du rêve, prise de conscience nécessaire pour plonger totalement dans l’onirisme. Les étoiles à la fausseté envoûtante, les couleurs trop intenses pour être vraies… Sans oublier le petit clin d’œil à la caméra de Chazelle pour comprendre le caractère éphémère de notre existence, et trouver sa place dans un cosmos qui ne demande pas mieux que de répondre à nos émotions. Puis la légèreté du sentiment amoureux à son paroxysme, et l’impression d’être seuls dans l’univers. Quand une scène présente autant d’idées dans sa mise en scène maîtrisée en tout point, comment ne pas sombrer avec les personnages dans cette illusion ? Magnifique, et d’une facilité déconcertante. Autant pour le réalisateur que pour son public.


« The End ». C’est Mia qui prononce ces deux mots après l’été. Mais le film, lui, continue dans sa volonté de regarder au-delà du générique. À l’image de Scotty, personnage du chef d’œuvre d’Hitchcock Vertigo, Mia et Sebastian vont devoir affronter le fait que l’image est infiniment plus inspirante que la réalité, en assistant à la déliquescence de leur couple voué à l’échec. On remarquera le rideau vert, citation directe du film du maître du suspense, et témoin de cette prise de conscience terrible. Ce n’était qu’une question de temps avant que l’envie de Sebastian de s’ouvrir aux attentes des autres avec son groupe, et que l’envie de Mia de s’affirmer entièrement aux autres avec sa pièce ne créent une impasse. Et de temps, il en est effectivement question : sans distinction et avec une indifférence glaciale envers les individus, il consume toutes les passions, peu importe l’épaisseur des ambitions, pour ne laisser que des cendres. De quoi perdre espoir pour de bon. Mais ce serait sous-estimer la capacité d’Hollywood à sortir un happy ending de la situation la plus noire.



Il faut imaginer Mia et Sebastian heureux



La La Land prend le pari de pouvoir adopter une approche résolument moderne dans sa nostalgie pleinement assumée. Keith parle le mieux de ce but à atteindre : « How are you going to be a revolutionary, if you’re such a traditionalist ? ». Si la forme est bien traditionnelle en reprenant les meilleurs éléments d’une époque fantasmée, le fond, à défaut d’être révolutionnaire, présente une vision tout à fait moderne dans sa manière d’aborder la narration.


Dans Whiplash, Andrew Neimann semblait victime d’une façon de voir l’existence, quasiment imposée par le modèle Hollywoodien de la narration. En voyant sa vie comme une histoire linéaire devant amener à une fin à partir de laquelle tout se goupillerait à l’infini, le batteur se martyrisait lui-même en cherchant ce but inaccessible, tendant la main vers le soleil avec l’espoir qu’un jour il puisse l’attraper pour le garder dans son cœur. Il atteignait étrangement ce but en fin de film, mais avec son nouveau métrage, Chazelle corrige le tir : cette vision linéaire de l’existence mène à une impasse. Pour y échapper, la structure cyclique du film viendra délivrer les personnages, les faisant démarrer à l’hiver pour terminer sur la même saison. Cette idée sera d’ailleurs exprimée dès la première scène et les paroles du morceau Another Day of Sun, commençant sur le désir d’un individu de partir vers Hollywood pour y connaitre gloire et fortune, avant de terminer sur : « And someday as I sing my song, a small town kid will come along, that will be the thing to push him on and go. ». On remarquera d’ailleurs que les derniers mots du film, revenant à Sebastian, seront un décompte pour lancer un nouveau morceau (« One, two, one two three four »). La solution serait donc si simple ? À l’image de Geneviève et Guy dans Les Parapluies de Cherbourg, on se remémore notre rêve comme d’un souvenir lointain, puis on retourne à la réalité pour oublier ? Ou comme Rick Blaine dans Casablanca, quand un vieil amour revient nous hanter dans notre club, on le remet sur le droit chemin en se disant que le monde ne s’en portera que mieux, et tant pis pour nous-même ? Compte tenu de sa façon de légitimer le fantasme des œuvres du passé, il parait étrange en regardant le film de tomber dans cette interprétation terre-à-terre. Si le retour perpétuel à la réalité est perçu comme nécessaire dans le film, il n’est pas une fin en soi. Car pour retourner à l’hiver, il faudra bien passer par l’été, et inversement.


Le film est dans un mouvement constant, témoin de ce besoin de ne pas rester en place. Le mouvement de la caméra, des chorégraphies, des robes dans le vent et des doigts sur les touches d’ivoire… Mais aussi des ellipses passant presque inaperçues, nous amenant à la fois à nous croire dans une bulle intemporelle, et dans le même temps nous poussant constamment vers l’avant. Si l’embouteillage du début présente une parenthèse bienvenue dans la vie de Mia et Sebastian et du spectateur, dès que la réalité reprend, le mouvement redevient nécessaire (« Yeah, I should go… » dira Mia). De même, après avoir contemplé tout le fantasme qui se cache dans les quelques notes de piano du thème des deux personnages dans une scène finale déchirante, Mia dira à son mari qu’ils devraient repartir. Ce mouvement d’aller-retour entre rêve et réalité est également celui du cinéma, qui permet à son spectateur de projeter ses fantasmes personnels sur une réalité de 24 images par seconde. Dans cet exemple, le rêve (expérience du film faite par le spectateur) vient se briser sur la réalité (une suite d’images reliées entre elles par leur succession plutôt que par un réel lien). Pour Chazelle, il ne s’agit pas de réduire le cinéma à son aspect technique dans une objectivité stérile, mais plutôt, grâce à cet aller-retour perpétuel, de modeler cette réalité selon le regard du spectateur.


L’interprétation, voilà la synthèse des deux forces inarrêtables que sont le rêve et la réalité. La La Land définit la contradiction de l’interprétation comme non seulement inhérente à l’être humain, mais également nécessaire pour lui donner mouvement et direction. Cette interprétation qui donne son intérêt à la répétition, qui permet d’écouter des accords similaires dans Another Day of Sun et dans Someone in the Crowd sans entendre la même chose, de voir une nouvelle idée émerger quand City of Stars arrive une seconde fois dans le film, de trouver dans le morceau Start a Fire une malhonnêteté dérangeante quand il ne fait que dire d’une autre manière ce que le film tente de nous communiquer dans sa première moitié… Mais surtout, l’interprétation de la mélodie du thème de Mia et Sebastian qui leur permet de refaire leur vie, avant de repartir chacun de leur côté. Une mélodie qui les hantera, mais qui, d’avantage encore, les façonnera. Il ne s’agit plus de faire de son rêve une réalité, ou de voir en la réalité le seul monde possible, mais bien de se servir de l’un et de l’autre pour rester en mouvement, et ainsi éviter les impasses.


L’émotion précède la raison. La scène finale, par son sentiment doux-amer envahissant, fait mieux comprendre le film que n’importe quels mots. La cohabitation contradictoire de la joie et de la tristesse chez le spectateur par une fantastique manipulation de ses ambitions trouvera sa logique dans son émotion la plus intime et son expérience subjective. En d’autres termes, la compréhension n’est jamais affaire de mots ou d’idées, mais d’émotions. Chazelle prouve avec La La Land qu’il comprend aujourd’hui mieux que personne cette idée : pour comprendre le film, oubliez ce que vous avez vu, et pensez à ce que vous avez ressenti. Car l’émotion, au cinéma comme dans la vie, est bien la seule vérité que l’on ait. Et si revenir à cet enseignement douloureux devient difficile, prenez exemple sur ceux qui plongent dans la Seine, car on en dit : « She said she’d do it again ». Et puis qui sait si, la prochaine fois que vous écouterez quelques notes de piano ou que vous regarderez les étoiles, quelqu’un ne sera pas là pour les ressentir également afin d’ancrer l’inspiration qui jaillit en vous dans le réel ? Le réel, cet endroit merveilleux qui dort sous vos yeux. « A somewhere that’s just waiting to be found ».


City of stars
Are you shining just for me?
City of stars
There’s so much that I can’t see
Who knows?
I felt it from the first embrace I shared with you
That now our dreams
They’ve finally come true

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le 7 déc. 2018

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Mayeul TheLink

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