Ada McGrath est une jolie jeune femme veuve et muette. Son principal moyen d'expression et ses moments d'émotion passent par les sonorités de son piano dont elle joue merveilleusement bien et qui sont les seuls témoins de ses joies et de ses peines. Toutefois, afin de rompre sa solitude, elle recherche une âme sœur par correspondance. La réponse qui attire sa préférence émane d' Alistair Stewart, colon en Nouvelle -Zélande. C'est ainsi qu'elle tente l'aventure et débarque avec sa petite fille Flora, ses meubles et son piano sur une plage déserte de ce pays inconnu pour elle. Stewart est un homme bourru, autoritaire et rustre. Il habite une ferme isolée et le trajet ne se déroule pas pour le mieux. En effet, jugeant le piano trop encombrant et inutile, le propriétaire des lieux refuse obstinément qu'Ada amène l'instrument sous son toit . Mieux encore il va échanger le piano contre une parcelle de terre appartenant à son plus proche voisin, Georges Baines, jeune homme illettré et vivant à la manière des maoris.
Voyant le désespoir de la jeune femme, Georges va conclure un marché avec Ada: elle pourra récupérer le précieux instrument touche par touche à la seule condition de se soumettre, à chaque livraison, aux fantasmes du jeune homme .
Jane Campion nous fait voyager au 19 ème siècle, période durant laquelle la colonisation britannique se montre très active en Nouvelle-Zélande. La supériorité relative de ses colons est très bien dépeinte par l'intermédiaire de Stewart, le mari de Ada, emprunt de sévérité et sûr de sa domination en toutes circonstances. Toutefois ce trait de caractère fort prononcé va lui faire commettre l'erreur de priver Ada de son piano. Celle-si va alors se jouer de cet époux tyrannique grâce à Georges, voisin et salarié de Stewart. Le jeune homme vit à la manière des maoris: la nature est son domaine, la pudeur n'existe pas, il assume sans arrière pensée sa sexualité. Lui, au moins éprouve de l'affection pour Ada et pour la musique que celle-ci aime à lui interpréter.
Le marché qu'il conclut avec elle n'est qu'un jeu dans lequel chacun assouvit ses fantasmes et prouve son attachement. De plus la musique et Flora, très proche de sa mère, ne seront plus les seuls repaires de la jeune femme.
Toutefois Stewart finira par deviner cette liaison charnelle. Entré dans une colère folle, il commettra un acte irréparable sur la personne de son épouse et sous les yeux effrayés de sa fille. Ada quittera alors les lieux sur une embarcation , emmenant avec elle son piano. Peu après elle demandera à ce que l'instrument soit jeté à la mer.
A ce moment Ada se prendra volontairement le pied dans la corde tenant le piano et basculera avec lui dans les flots. Va se poser pour la jeune femme, attachée à son piano et flottant dans les fonds marins, une réflexion sur la vie et sur la mort.
Dans un très beau décor qui lui est cher puisque la réalisatrice Jane Campion est néo-zélandaise, cette œuvre dans laquelle la romance et le drame se rejoignent, est pleine de sensualité mais aussi de violence, de passion et d'amour fou. Ce film militant fait référence à l'intolérance mais aussi à l'esprit rétrograde et étroit des colons de ce XIX ème siècle. Dans ce milieu, la femme comme la terre et la population locale ne sont qu'un objet que l'on possède et que l'on utilise mais pas avec amour et respect comme les maoris. Cet ainsi que Stewart perdra tout ce qu'il possède à cause de son esprit de suffisance et de supériorité, cela lui faisant oublier toute notion de sensibilité et de compréhension des autres.
Il est assurément la personnalité opposée à Georges, amoureux de Ada et de sa musique; ce sentiment lui faisant prendre part à sa détresse. C'est par amour qu'il lui imposera son jeu pervers qu'elle acceptera volontiers. Cet éveil à l'amour va coûter cher à cette femme, toutefois comme elle, un grand nombre d'entre-elles ont payé un lourd tribut à sa liberté et son émancipation.
Dans cette réalisation subtile et réaliste, à la mise en scène somptueuse, il convient de citer l'extraordinaire performance d'Holly Hunter qui, sans émettre une parole, arrive à faire passer avec persuasion ses sentiments grâce à son jeu très expressif et à sa musique. Il faut également apprécier les remarquables talents que sont la jeune Anna Paquin, la très touchante fille de Ada, Sam Neill, le mari intraitable et Harvey Keitel, amoureux éperdu, antithèse de l'époux de Ada. Le cinquième élément à citer, et ce n'est pas le moindre, c'est la bande originale de Michael Nyman qui transcende l'intrigue.
Jane Campion fut la première réalisatrice à remporter une Palme d'Or à Cannes. Il est vrai qu'en présentant un film dont le sujet brille par son originalité et son propos, le jury ne pouvait rester indifférent. C'est certain que l'on ne sort pas indemne après avoir vécu cette œuvre qui reste selon moi la meilleure réalisation de la réalisatrice à ce jour.
Ce film a obtenu:
- La Palme d'or du Festival de Cannes en 1993
Ma note: 9/10