Le lanceur de pierres.
Un zatoichi plaisant à suivre, même si le parcours suit le même trajet que d'autres volets du sabreur aveugle. L'aventure débute avec une femme poursuivie dans les roseaux par un homme, une fois...
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le 4 déc. 2015
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Retour de Kazuo Mori pour sa troisième et dernière contribution à la série, son dernier long-métrage tout court d'ailleurs, puisqu'après il se dirigera vers la télévision. Premier épisode produit après la faillite de la Daiei, la série étant dorénavant distribuée par la Toho. Et surtout retour à un schéma narratif plus classique après l'expérience mitigée du 22e épisode qui faisait la part belle à un héros du cinéma d'action hongkongais. Les thèmes abordés ici placent le spectateur en terrain connu et ont un certain goût de déjà-vu : au milieu de nulle part Zatoichi assiste une femme dans son accouchement. Malheureusement la femme ne survit pas mais le nouveau-né lui est en parfaite santé. Il va devoir l'emmener avec lui le temps de retrouver un parent. Ce qui conduit son chemin jusqu'au village de Shiobara, un hameau autrefois paisible mais aujourd'hui sous la coupe d'un parrain cruel (superbement interprété par Rentarô Mikuni), qui fait contracter des dettes aux villageois pour prostituer leurs filles et cherche à empêcher par l'intimidation et le racket la tenue du festival annuel.
Par un curieux malentendu -- en enfant croit avoir vu Zatoichi assassiner la femme tandis qu'il l'assistait dans l'accouchement -- notre masseur se voit injustement accusé de crime, et dans un village où la morale s'est inversée, le magistrat local ne croit pas en la culpabilité de notre homme tandis que les yakuzas excités par le sang sont prêts à le crucifier. Zatoichi entame alors un long chemin de pénitence, qui me fait penser que cet épisode a valeur de purgatoire pour un sabreur qui a -- souvent malgré lui -- bien trop fait couler le sang et envoyé des hommes de vie à trépas, et semble à présent fatigué par cet interminable cycle de mort. Il y a quelque chose qui évoque le chemin de croix de Jésus dans la mise en scène de Mori : Zatoichi qui marche encombré de son bébé dans les bras, poursuivi par un gamin qui lui jette des pierres en proférant de fausses accusations ("assassin, salaud !") ; Zatoichi qui subit la calomnie ; Zatoichi qui se laisse tabasser par des yakuzas qu'il aurait normalement expédiés en enfer de trois coups de sa canne-épée ; il tombe, il se relève. Mais la comparaison avec les Quatorze Stations s'arrête ici puisque Mori nous réserve un final spectaculaire de toute beauté, dans lequel Zatoichi reprend ses forces et débarrasse le village de ses spoliateurs.
Etonnante mise en scène, notre héros se cache derrière des masques -- et combat même sous l'apparence d'un dragon chinois, se cache dans un tonneau, affronte ses ennemis sur un parquet savonneux dans une curieuse chorégraphie, avant de sortir des flammes de l'enfer pour reprendre une apparence terrible et terrasser ses derniers ennemis. Je n'ai pas comptabilisé le nombre d'hommes qu'il envoie de l'autre côté durant cette scène, mais on doit être dans un des plus grands carnages de la série.
Le traitement esthétique est très particulier (est-ce la touche voulue par la Toho ?) : blancs éclatants (dès la première scène au milieu du champ avec le soleil en contre-jour), contrastes accrus, palette de couleurs froides, saturation des rouges. On est globalement dans un épisode très sombre.
Je n'ai pas encore évoqué les nombreux sous-thèmes traités en parallèle : le fils du magistrat attiré irrémédiablement par l'appât du gain et le train de vie des yakuzas, le père qui demeure un modèle de vertu, le rônin qui cherche un sabreur d'exception pour se mesurer à lui dans une quête absolument mortifère et vide de sens (pour qui ne pratique pas le bushidô). Kazuo Mori signe un épisode très riche et s'affranchit parfaitement du piège de la redite de certains thèmes. Une belle sortie pour l'un des réalisateurs emblématiques du cinéma d'action.
[7,5/10]
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Créée
le 15 oct. 2024
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