On ne nait pas Femme, On le devient!
Merci au service public de produire ce genre de fiction nécessaire au débat collectif.Il est de son devoir d'apporter matière à réflexion, qui plus est sur des sujets aussi sensible que sur celui de L'IVG, surtout dans un temps démocratique fragile comme nous le vivons en ce moment ou la crise financière dicte de plus en plus les politiques à déplacer dangereusement toute décision essentielle à nos vies sur cet unique aspect immatériel.L'effort est d'autant plus louable que nous ne sommes pas un pays habitué à ce type d'initiative sur nos principales chaines, mis à part Canal+.
Faut il pour autant parler de pleine réussite à l'égard de ce téléfilm de France2, nous narrant la révolution sociétale qu'entreprit Simone Veil pour libérer les femmes du carcan nataliste et, au delà, le libre choix à disposer de son être comme bon lui semble? Si le contexte politique et les vestiges de l'ère post 68 pas encore totalement libre et patriarcal tiennent assez bien le scénario, ainsi que les débats houleux de L'Assemblée Nationale sur la notion de vie humaine et le passé concentrationnaire de la ministre, il est permis de douter de la pertinence du romanesque qui sert de fil conducteur au récit. L'on peut comprendre ce besoin de raccourcir certains faits préétablis et d'avoir recours à certaines omissions pour tenir l'intrigue sur une durée courte mais il devient fortement agaçant, pour ne pas dire méprisant de rajouter un personnage empathique, journaliste et femme qui plus est, pour garantir caution de la lutte difficile. Elle est celle par qui l'avancée de la loi nous est conté pour mieux nous attendrir et diminuer la raideur peu télégénique d'un tel sujet. Est on en droit d'attendre une plus grande rigueur intellectuelle? Doit on nous faire jouer le violon(un peu) misérabiliste de la peine atroce chaque fois qu'il est abordé un débat essentiel?Et que doit on penser de cette fin guillerette qui laisse supposer qu'une fois la loi passée, tout est bien qui finit bien?(c'est une caricature forcée voulue car elle me chafouine un tantinet).
Passé cette longue note pessimiste, il faut reconnaitre que l'envers du décor du monde politique est bien emmené, ces longues tractations dans les couloirs à n'en plus finir pour convaincre tel membre de son camp qu'au jeux des chaises musicales mieux vaut bien calculer son coup ou tel opposant qu'un soutient ferme et définitif serait à n'en pas douter un marqueur historique dans la vie politique française. Troublant est le constat qu'il est fait de ces calculs pernicieux ou une féministe convaincue(Françoise Giroud,pour ne pas la nommer) n'a pas sa place dans la mascarade à laquelle s'adonne Madame Veil pour ne pas trop froisser le monde clérical et ses alliés, amusant est la rivalité entre les différents protagonistes d'une droite divisée ou chacun cherche à avancer ses pions pour mieux renverser son rival, touchant est l'approbation de députés farouchement opposé moralement mais prêt à apposer leurs voix pour le bien de la société, apaisant est le rassemblement contre un quelconque clivage institutionnel face à cet enjeux majeur. Était ce la fin dune époque ou l'idéal de la fonction dirigeante avait encore un sens, ou les idées plus que les concepts, présidaient à la destinée des citoyens que nous sommes? Ou était ce au contraire le prolongement d'une certaine déchéance installée depuis quelques années déjà? Il n'est pas inutile de voir cette fiction rien que pour cette question.
Enfin, impossible de ne pas évoquer l'interprétation D'Emmanuelle Devos, une fois de plus remarquable dans la posture de la Grande Dame. Allure altière, clope au bec, elle est physiquement proche du modèle mais réussit à ne pas la singer pour autant. La fierté autant que l'amertume se lisent dans son regard, et il est fort à parier que s'il prenait un jour l'envie à cette forte personnalité de jeter un œil curieux à son double de fiction, elle en serait heureuse. Le reste du casting est à l'avenant,pastiche efficace des têtes d'affiche avec en prime un Lorant Deutsch sobre dans le rôle de son plus proche conseiller, même si quelques tics refont plus ou moins surface de temps à autre(ses traits d'humour mal agencés).