C'est le genre de film qu'en principe je n'aime pas mais il se trouve que j'ai aimé. J'aurais même pu lui mettre 8/10 si je n'avais pas eu peur d'inciter des personnes, qui eux ne vont pas l'aimer, à l'aller voir. Ça n'est pas un film d'évasion, ça n'est pas un divertissement. C'est un quasi documentaire sur la vie d'un homme de 50-55 ans qui a une jolie femme, un ado handicapé moteur et qui au début est à Pole Emploi ; un homme avec des problèmes de fric, une famille à nourrir donc et qui, faute de mieux, accepte un poste d'agent de sécurité dans un hypermarché. Voilà pour le pitch. Le film sonne vrai, est assez honnête (m'a-t-il semblé), mais dur (avec un parti-pris de dureté ?). Il se contente le plus souvent de montrer, à charge pour le spectateur d'en penser ce qu'il veut. C'est, je crois, ce qu'on appelle un film de gauche (sous Sarkozy, il n'aurait probablement pas fait partie de la sélection française à Cannes). Il rappelle le "Deux jours, une nuit" des frères Dardenne, mais en plus sobre, en plus bressonnien. Certaines séquences sont éprouvantes, presque oppressantes et sont à mettre au crédit du réalisateur Stéphane Brizé. Son film est bien écrit, bien construit, maigre, habilement elliptique et toujours centré, cadré sur les protagonistes de l'histoire. Il évite tout pathos. Il fait une critique sèche du monde d'aujourd'hui, du monde du travail et des valeurs actuelles de notre société, mais cette dénonciation reste presque toujours silencieuse, implicite (sauf quand il s'agit de "descendre" les formations de Pole Emploi qui ne mènent à rien). Vincent Lindon est, paraît-il, le seul acteur professionnel du film. De toutes les scènes et quasiment de tous les plans, il est franchement super bon. Il se glisse avec un naturel impressionnant dans la peau de cet homme de la toute toute petite bourgeoisie, qui encaisse les coups sans broncher ni totalement désespérer, qui reste digne et maître de ses décisions (si j'ai bien compris la fin, peut-être pas tout à fait réaliste, du film). Je n'ai jamais vu Lindon aussi bon que dans ce rôle et il me semble bien parti pour une récompense (à Cannes ou à la prochaine cérémonie des Césars). Je la lui souhaite.
Post-Scriptum. Et comme on sait maintenant, Lindon a obtenu pour ce film à la fois le Prix d'interprétation masculine à Cannes et le César du meilleur acteur.