La loi du marché fait partie de ces films sociaux qui se développent. On est ici dans la continuité du film social réaliste présent à Cannes au meme titre que les Frères Dardenne pour 2 jours 1 nuit.
Le prix à Cannes pour Vincent Lindon avec beaucoup de critiques dithyrambiques dans les journaux ou parfois assassines ( voir la critique du Cahier des Cinéma qui défonce littéralement le film).
Je suis mitigé partagé entre les bonnes choses vues ici et là et par certaines maladresses du film, qui font que le film ne va pas au delà de son propos de départ et ne propose pas des pistes de réflexion pour l'avenir.
C'est pas encore du niveau de 2 jours, une nuit des frères mais il ya quand meme des idées qui ressortent du film.
Dérégulation du capital
Le film ne pouvait pas trouver meilleur nom que la loi du marché. Il définit notre époque et toutes les dérives justifiées au nom du marché.
Le cadre froid et réaliste fait sa force et nous concerne tous, encore plus avec l'actualité et la loi El Khomri.
Il faut se battre pour trouver sa place, le marché du travail n'a jamais été aussi instable et tout est question de capital.
Beaucoup de films évoquent le sujet ( le couperet, Rosetta, 2 jours 1 nuit et plein d'autres) mais le choix du réalisme est ici judicieux.
Cependant, il y a toujours un problème à en faire trop pour lamenter le personnage principal : son fils est handicapé, il n'y a aucune joie dans son existence, aucun ami que ce soit en dehors ou dans la boite. Ce superflux, c'est en trop et c'est pas nécessaire car le film marche très bien sans cela, on a pas besoin de cela pour comprendre la souffrance du personnage principal.
Néanmoins, j'ai trouvé une atmosphère globale satisfaisante qui retransmet bien l'univers du travail dans l'entreprise, chaque employé se retient toute la journée de dire la moindre chose qu'il pense, il est englobé par la terreur hiérarchique du monde de l'entreprise et par ses normes et ses surnormes présentes.
L'histoire de la femme licenciée parce qu'elle vole des tickets de caisse alors qu'elle est présente depuis quinze ans dans l'entreprise, c'est une réalité qui existe aujourd'hui et qui est très bien retranscrise à l'écran.
La fidélité de la personne dans le cadre de l'entreprise ne compte plus, désormais à la moindre erreur on licencie.
Un exemple concret très récent dans notre monde : http://www.fakirpresse.info/licenciee-le-cas-gueffar
Pas d'avertissement ou de première mise à pied, on est dans la terreur de l'erreur et chaque caissier est surveillé par caméra. Si la moindre erreur est faite( oubli de scanner un pack de bières par exemple, l'employé est surveillé et analysé. Il est mis sous pression.
Vincent Lindon devient le gardien de ce système d'entreprise, il applique les ordres, surveille les voleurs et ne peut qu'appliquer la loi. Rien ne peut etre interprété, l'individu est soumis à tout ce qu'il fait, il ne devient plus qu'une marionnette qui applique au mieux les règles.
Là où le bat blesse, c'est que rien d'encourageant n'est montré dans le film, il existe encore des syndicats qui défendent des valeurs. Certains individus restent solidaires au sein de l'entreprise meme en étant tétanisés, il y a une sorte de solidarité humaine qui existe encore un peu.
Au final, le film dénonce des choses mais sans laisser transparaitre d'autres voies qui peuvent atténuer son propos. On reste dans l'idée que l'individu ne peut rien faire et qu'il est bloqué dans une fatalité et dans le misérabilisme, ce qui n'est pas totalement vrai.
Une scéne est très belle où Vincent lindon danse avec son épouse, c'est le moment où il est relié à l'amour, véritablement à la vie, à son corps et à autre chose qu'à son boulot.
Mais même dans la précarité, l'homme peut et doit rester vivant. La culture dont une partie est accessible à toute permet à l'homme meme si il est précaire de sortir un moment de sa situation.
Dommage que le film dénonce des choses mais froidement et sans laisser des espoirs.
2 Jours, une nuit des Frères Dardenne avait su trouver le bon dosage : le profil des gens dans l'entreprise était varié et tout n'était pas noir ou blanc, c'est un équilibre trouvé avec la fin de 2 Jours, une nuit qui ouvre totalement sur autre chose.
Hélas, la loi du marché manque de finesse à ce niveau là et cela l'empeche véritablement d'etre un très bon film complet sur le sujet.
La prestation de Vincent Lindon est superbe dans le film mais on voit presque que lui dans le film, c'est dommage pour un film social que d'autres personnages ne soient pas plus approfondis.
Le quotidien de la sécurité des supermarchés est super bien retransmis, j'ai appris pas mal de choses.
Mais c'est surtout l'atmosphère du film qui en fait sa force avec ce réalisme froid et glacial.
Un bon film social intéressant mais qui manque d'épaisseur dans son propos malgré sa bonne volonté et qui empeche de porter sa réflexion plus loin sur le monde du travail aujourd'hui.