Un film sale, sombre et glaçant, retraçant le parcours judiciaire d'un homme jugé pour le meurtre d'une enfant. La toile de fond est la France giscardienne des années 70, et le sujet qui émerge d'un bout à l'autre de La Machine est la peine de mort, à une époque où son abolition paraissait bien loin : c'est une des qualités importantes du film, qui immerge dans ce référentiel-là à l'aide de (faux) reportages télévisuels, d'articles de journaux, de vielles images de vieux téléviseurs, d'interviews d'inconnus et de personnages publics — bien qu'inspirés d'affaires contemporaines au film. Une bonne moitié du film est ainsi constituée de ces matériaux faisant l'effet d'une capsule temporelle, et l'autre moitié est consacrée au portrait du meurtrier Pierre Lentier, un ouvrier trentenaire que personne ne connaissait vraiment, et visiblement pas même son entourage. Dans un style très proche d'un Bresson, Paul Vacchiali s'engouffre dans une narration et dans une tonalité qui font largement exception dans le paysage du cinéma français, entre autres celui des 70s.
La laideur de la pellicule est à double tranchant, car elle isole le contenu dans une ambiance de téléfilm tout en ajoutant de l'intensité aux événements glauques qui sont rapportés. Très peu d'effets de suspense : on découvre très vite le cadavre d'une fille de huit ans, le principal suspect est clairement identifié malgré une introduction brouillant les pistes (l'enregistrement d'informations sur l'état civil d'un homme alors inconnu), et il avoue son crime. Mais il n'en donnera pas les raisons, ou du moins pas de manière claire. La Machine dresse le tableau d'une machine médiatique et judiciaire, met en scène la manipulation de l'opinion publique selon toutes les directions envisageables, mais se trouve quelque peu empêtré dans un style désuet et des intentions un peu maladroitement exécutées (notamment sur la mise en cause de la société). Il y a les juges, les psychologues, la famille, les représentants d'associations, les passants anonymes, et tous ont un avis. Un malaise se distille tout le long du film et file tout droit vers le plan-séquence final, étrange écho à celui de Monsieur Verdoux, d'une sécheresse glaçante.
Maladroit, vieillot, approximatif, mais une curiosité intéressante d'un point de vue historico-cinématographique.
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