(1976. FR. : La maison aux fenêtres qui rient OU La porte de l’enfer. ITA. : La casa dalle finestre che ridono 
Vu en VF. Existe une vieille édition DVD française trouvable d’occasion)

Années 1950. Un jeune restaurateur (Lino Capolicchio) spécialisé dans l’art religieux arrive dans un petit village lacustre au milieu de nulle part (près de Ferrare, entre Bologne et Venise) pour restaurer une fresque représentant Le martyr de Saint-Sébastien dans l’église du village. Il y retrouve un ami, qui le met en garde sur le climat malsain qui règne ici et lui apprend diverses choses sur le peintre de la fresque, surnommé le peintre de l'agonie : un homme névrosé qui se plaisait à peindre des personnes mourantes et qui se serait servi de son propre sang pour peindre… Peu après, cet ami est retrouvé mort…


Comme souvent dans le giallo, nous sommes ici avec La maison aux fenêtres qui rient face à un film mélangeant, habilement, plusieurs genres. Entre l’enquête quasi policière que mène notre peintre confinant au giallo, et le film d’horreur et d’épouvante comme le prouvent certains aspects : maison « hantée » avec les artifices qui vont avec (portes qui claquent, bruits étranges…), rares accès de violence mais mémorables, et ce fameux peintre de l’agonie, tourmenté par « ses couleurs », qui aimait peindre des mourants voire des cadavres… Il faut dire que le réalisateur, Pupi Avati, est difficile à classer lui aussi ! Si son œuvre la plus célèbre, Zeder sorti en 1983, lorgne également vers le film d’horreur, le reste de sa filmographie s’éloigne plutôt du cinéma de genre. Ainsi il collabora entre autres au scénario du Salo de Pasolini et sera membre du jury du Festival de Cannes en 1994.
Au-delà de ses aspects, on pourrait aussi rapprocher la quête de Lino Capolicchio à celle d’un Joseph K. ans Le château de Franz Kafka : un personnage ayant une tâche impossible à accomplir, s’attirant les regards désapprobateurs de la plupart de la population, ayant quelques adjuvants qui n’en seront finalement peut-être pas… De plus, Avati emplit son film de bizarreries (cette fameuse maison du titre, cette fresque qui en se dévoilant fait avancer le récit) et monstruosités comme lors de l’excellent prologue, et avec des personnages très particuliers que sont le maire nain Bob Tonelli, qui fait plus penser à un mafieux, et le sacristain et idiot du village Pietro Brambilla. Ou encore ce Coppola (Gianni Cavina), étrange chauffeur et homme à tout faire, sans cesse alcoolisé et toujours prêt à faire d’étranges révélations…



Le bon air de la campagne …



S’il réussit si bien à imprimer une atmosphère nauséabonde, Avati le doit aussi à son décor rural sublimé par la photo de Pasquale Rachini, et ce village hostile (il s’agit de la ville de Comacchio, reconnaissable par ses canaux « vénitiens »)), quasi désert, qu’on ne peut aborder que par bateau. De par sa peinture de la campagne italienne remplie de superstitions, on songe aussi au Non si sevizia un paperino (La longue nuit de l’exorcisme) de Lucio Fulci. Si le film souffre de quelques défauts, comme un rythme peu soutenu, une histoire d’amour un peu faiblarde et assez inutile, Avati réussit toutefois pleinement son but : nous emmener aux côtés de son héros dans les méandres de la folie virant à une paranoïa peut-être légitime…
Le casting est dominé par Lino Capolicchio, qui comme la plupart des acteurs du film a tourné et tournera de nouveau avec le réalisateur. Principalement connu pour son rôle dans Le jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica, on le retrouvera dans un autre giallo en 1978, Terreur sur la lagune de Antonio Bido. Dans un rôle ingrat, il est ici très juste et incarne à la perfection un personnage un peu trop curieux, à la fois fasciné et dégoûté par ce qu’il découvre. Les autres acteurs sont tous très bons, notamment Brambilla qui joue très bien le simplet inoffensif…enfin… Cavina et Tonelli sont également parfaits. Quant à la sublime Francesca Marciano, elle s’en sort admirablement…on regrettera seulement qu’elle ne sache pas cuisiner les escargots !
Pour parfaire l’ambiance ô combien glauque et malsaine du film, la musique de Amedeo Tommasi ne pouvait pas mieux tomber alternant thèmes angoissants de qualité et ritournelles sentimentales plus dispensables… Pour conclure, sous ses aspects de petit film un peu fauché, La maison aux fenêtres qui rient, qui n’est jamais sorti en salles en France, s’impose comme une réussite incontournable pour les amateurs de bizarreries à l’italienne avec une dernière demi-heure quasi-parfaite et une conclusion des plus sordides…
La B.O. de Tommasi : https://www.youtube.com/watch?v=LnvcsRHqFnY

SB17
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le 20 août 2021

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