Une séquence érotique, située peu avant le départ de Carl-Stephan – soit après une heure dix minutes de film – a l’audace de mettre en scène une relation sensuelle entre deux corps distants, seuls désirants l’autre, que le montage rassemble en donnant l’impression qu’il n’y a qu’un lit, que l’union voluptueux gagne enfin cette concrétude qui n’était jusqu’alors que contacts, regards, sous-entendus. Cette séquence justifie le visionnage de La Maison des Bories, œuvre oubliée d’un réalisateur et critique essentiel en ce qu’il est le cofondateur des Cahiers du cinéma : Jacques Doniol-Valcroze. Son film semble illustrer pendant une petite heure et demie la première partie du fameux roman de Stendhal, Le Rouge et le Noir, tant du point de vue de son personnel narratif de son cadre ensoleillé qui apporte au récit une chaleur propice aux passions.
Pourtant, fallait-il suggérer avec une telle lourdeur ? Tout est souligné en gras et en rouge, à l’instar des fautes de français que font les enfants dans leurs cahiers de dictées : les gros plans sur des regards censés être pleins de désirs insistent sur une alchimie que les longues promenades doublées de discussions douces sur l’existence suffisaient à exprimer. Comme si le réalisateur n’avait pas confiance dans les scènes qu’il composait, au point de devoir les redoubler d’images signifiantes qui, en explicitant tout, entaillent douloureusement le charme d’une relation interdite. Les deux acteurs principaux paraissent, eux, trop dirigés et auraient gagné à se perdre dans ces paysages magnifiques qui, s’ils sont des paysages-état d’âme à la Stendhal, reflètent des états d’âme bien ternes.
« Les pierres ont leur vie secrète », indique le mari au jeune homme venu de Lübeck. Les humains aussi. Nous aurions aimé des signes de cette vie secrète, non des significations unilatérales et lourdingues.