Oeuvre trop littéraire et trop écrite pour une oeuvre de Cinéma

Cette année a été celle de la réconciliation entre moi et Eric Rohmer. Je n'accrochais pas à son cinéma il y a quelques années, mais je le trouve maintenant profondément philosophique, et parfois, profondément beau. Mais malheureusement, j'ai eu du mal avec La Marquise d'O...

J'ai plutôt été gêné par les différentes tonalités du film. Parfois, il y a un côté cinéma de genre, cinéma bis je trouve, et je n'adhère pas forcément à cela, surtout par une méconnaissance de ma part de ce type de cinéma. Et il y a un côté théâtre filmé, bien que ce ne soit évidemment pas le cas. Mais nous avons vraiment l'impression d'assister à une pièce de théâtre. En fait, le véritablement problème que j'ai eu avec le film, c'est que je l'ai trouvé trop littéraire. Les dialogues sont trop écrits, rendant certaines scènes - notamment celle de la demande en mariage de Bruno Ganz - quelque peu artificielles. Même si le texte, en soi est plutôt beau. Rohmer a d'ailleurs dit, à propos de ce film, qu'il mettait en scène un ‹‹texte privilégié››. Mais le Cinéma, est-ce mettre en scène un texte ? Et c'est là que le film me dérange un peu quelque part... Alors oui, le cinéma de Rohmer est souvent verbeux, et d'habitude j'aime plutôt ça, car je n'avais pas forcément l'impression que Rohmer mettait en scène un texte, mais bien des situations, qui ne pouvaient que pousser la réflexion du spectateur d'un point de vue philosophique (je pense à ses contes moraux). En réalité, ce film m'a gêné car il manque cruellement de vie, là où d'autres films de Rohmer, tout aussi verbeux que celui-ci, ont une vitalité folle (La Collectionneuse et Le Genou de Claire, notamment). Par ailleurs, les différents procédés théâtraux qu'emploie régulièrement Rohmer dans ses films sont beaucoup moins efficaces ici ; le film est prévisible dans un premier temps, mais surtout, les quelques scènes fortes du film, au-delà de leur prévisibilité (qui n'est pas véritablement un défaut en soi) ne regorgent pas de sensibilité, le spectateur se trouve lésé d'émotions. Et, je me répète certes, mais le gros défaut de ce film, c'est son absence de vitalité. Alors, oui, le texte est beau, mais le Cinéma, ce n'est pas que du texte, et ici, le film manque d'idées de Cinéma je trouve. Après, les intentions de Rohmer n'étaient certainement pas de faire de ce film une oeuvre touchante. Le cinéma de Rohmer est très politique, et le film est peut-être, dans son fond, la continuité des contes moraux. Mais l'autre point noir du film, c'est que je n'ai pas véritablement compris les enjeux du film, les intentions du réalisateur.

Le film n'est évidemment pas mauvais ; j'ai particulièrement été séduit par la très belle réalisation. Notamment pas une photographie absolument sublime ! Les jeux de lumière sont fabuleux, il y a une véritablement recherche dans le cadrage, dans la construction formelle des plans, il y a toute une esthétique dans ce film, même si parfois, l'image semble filtrée, mais j'ai trouvé cela vraiment beau ! De plus, je ne me suis pas forcément ennuyé ; je n'y ai pas compris les enjeux, et j'ai trouvé que le film s'égarait dans son registre beaucoup trop littéraire, mais l'oeuvre en soi ne m'a pas forcément été antipathique. Par contre j'ai été déçu par le personnage de la Marquise... Souvent Rohmer arrive à magnifier, à sublimer son personnage féminin principal. Ici, je n'ai jamais trouvé la Marquise en état de grâce. Mais était-ce dans les intentions de Rohmer de la sublimer ? Je ne crois pas. Encore une fois, j'ai eu du mal à saisir la portée de ce film.

Ce n'est pas un film raté, ni un mauvais film, mais c'est un film auquel je n'adhère pas forcément. Et c'est très frustrant de ne pas comprendre l'oeuvre dans son essence. Cela reste une expérience intéressante, avec une esthétique très travaillée.