J'aime beaucoup le point de vue retenu par Jean Renoir pour raconter cette petite histoire de la Révolution française de 1789 à 1792, à travers l'évolution d'un petit groupe de marseillais au gré de ses pérégrinations aux quatre coins de la France. Edmond Ardisson, dans le rôle de Jean-Joseph Bomier, dit gamate, y aura été pour beaucoup. Sans rentrer dans les détails du contexte de production, la dimension subjective de l'approche, entre parallèle avec l'histoire récente du Front populaire et ode un peu candide (éventuellement romantique) à l'esprit révolutionnaire, trouve pour moi un point d'équilibre intéressant dans cette vision parfois bucolique du soulèvement du peuple. Même si tout n'est pas univoque — dans l'affolement de la cour, on souligne bien la présence d'aristocrates qui ne sont pas d'abominables traîtres prêts à tout pour rejoindre les Prussiens — le geste artistique embrasse clairement une certaine perspective sans pour autant accabler la famille royale et tout en faisant l'impasse, dans les grandes lignes, sur des figures incontournables comme Robespierre.


À travers ces sentiers détournés, on parcourt l'époque dans une veine presque intimiste, au sein d'une bande qui s'embarque dans une aventure en pleine construction, loin de toute forme de déterminisme explicatif de type biopic poussif. Il y a de l'ardeur sans qu'il n'y ait de grandiloquence, il y a des passages de bravoure teintés de maladresse. Ils sont censés incarner l'esprit de la révolution mais ce sont avant tout des bons vivants, de sacrés clowns pleins d'enjouement. L'ambition est forte, mais dans un registre sensiblement différent de tous les Renoir "sérieux" vus jusqu'à présent, avec une sensation d'immersion rendue possible grâce à une belle reconstitution. Un film qui semble très à part dans l'œuvre du réalisateur, et ce dès l'introduction qui pose les bases avec l'affolement tout en haut du royaume suite à la prise de la Bastille et à Marseille avec les élucubrations des uns et des autres autour de l'engagement. En toile de fond, presque comme un running gag, la Marseillaise qui prend peu à peu de l'ampleur.


L'union de tous les Français s'en trouve bien sûr beaucoup exaltée, un peu trop sans doute, avec ce soupçon de fraternité un peu artificiel — les interventions de Louis Jouvet dans le dernier quart d'heure, la voix de la légalité impartiale, peuvent en témoigner. L'attaque des Tuileries, en revanche, dispose d'un sacré capital sympathie dans la mise en scène. Domine ainsi une révolution presque angélique, focalisée sur des semi-anonymes émerveillés par la pomme de terre et la tomate.

Morrinson
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le 4 févr. 2021

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Morrinson

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