Il y a un petit côté "équivalent féminin de « Zéro de conduite » de Jean Vigo" sorti la même année, en 1933, avec un trio réalisatrice / actrice principale / jeune fille colorant le film d'une teinte assez particulière. "La Maternelle" est aussi marquée par le caractère hybride de sa réalisation, et appartient à ce registre charnière du cinéma qui associe des séquences directement en prise avec la technique du muet et des séquences entérinant les débuts du parlant (un peu maladroites, forcément). À noter aussi que la version accessible aujourd'hui de 1h20 (une version américaine avec des sous-titres anglais apparaissant à droite à gauche) est un reliquat de la version originale, 20 minutes étant pour l'instant perdues.
Mais la comparaison avec Vigo ne va pas plus loin que la thématique de l'école ou les prémices du parlant, on est très loin du vent anarchiste qui soufflait là-bas. Vraisemblablement les morceaux de pellicule manquants se situent plutôt au début de l'histoire puisqu'on ne connaîtra pas grand-chose de la protagoniste Rose (Madeleine Renaud), présentée comme une femme appartenant à une classe aisée et instruite (elle détient un diplôme) contrainte par des événements pas tout à fait clairs (des soucis financiers) à travailler comme femme de ménage dans une école. D'entrée elle est placée dans une situation délicate puisqu'on apprend qu'elle a été recrutée à la place de la protégée d'un notable local, relativement furax. Dans le contexte assez rudos de l'établissement (à titre d'exemple, on balance les souris au feu sous la bouilloire), elle va peu à peu se familiariser avec les enfants et notamment avec une petite fille abandonnée par sa mère.
Le film est un peu lourd dans la description de la misère émotionnelle de cette dernière, mais sur le fil de la jalousie et de la pauvreté Jean Benoît-Lévy et Marie Epstein explorent d'autres thèmes plus étonnants comme le suicide et la prostitution. Cela n'empêche pas "La Maternelle" de laisser s'échapper quelques passages marqués par une poésie chaleureuse et d'autres par une bizarrerie d'un autre temps (le coup, violent, de la souris carbonisée, et celui du gentil lapinou qu'on menace de cuisiner en civet).